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Ce mois-ci, alors que nous venons de publier le khmer dans la collection sans peine, nous vous présentons, avec l’Image manquante (2013), un chef-d’œuvre du cinéma documentaire signé du réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh.

Quand on évoque l’histoire récente du Cambodge, et plus particulièrement le régime de terreur des khmers rouges, il est impossible d’échapper à l’œuvre filmée de Rithy Panh. Ce cinéaste né en 1964 a quasiment fait de cette période sombre de l’histoire de son pays d’origine son unique sujet. Et pour cause : il a lui-même survécu au génocide cambodgien et est venu s’installer en France en 1989. Ce cinéma, depuis Site 2 (1989), apporte un témoignage inestimable sur les événements tragiques du règne de Pol Pot. Sorti en 2003, S21 la machine de mort khmère rouge (2002) lui apporte la consécration internationale. Ce long métrage montre les victimes et les bourreaux du centre d’extermination de Tuol Sleng (ou S21) situé dans une école de Phnom Penh. 17000 personnes environ ont trouvé la mort dans ce centre d’extermination. Sur le même thème, mais s’intéressant cette fois-ci seulement à la figure du bourreau, Duch, le maître des forges de l’enfer (2011) vient confirmer son grand talent.

Des moyens volontairement pauvres

Avec l’Image manquante (2013) qui raconte sa déportation et celle de sa famille en camps de travail après la prise de Phnom Penh par le kampuchéa démocratique en avril 1975, Rithy Panh propose un film plus autobiographique et plus intime que ses productions précédentes – sans perdre son propos universel et intemporel. L’image manquante dont il est ici question, c’est à la fois l’absence de représentations et de photos permettant de témoigner visuellement de l’expérience des camps, l’impossibilité de la représenter, mais aussi l’enfance volée du cinéaste. Il n’avait en effet que 13 ans à l’époque. Formidablement découpé et monté, avec un sens du tempo magistral, le sobre documentaire alterne images d’archives et scènes reconstituées dont les protagonistes sont… des figurines d’argile peintes. C’est l’une des idées magnifiques de Rithy Panh, recourir à l’art et à des objets évoquant l’enfance pour figurer ce qui ne peut l’être et susciter l’émotion avec des moyens volontairement pauvres.
En voix off on entend le très beau texte que le cinéaste et l’écrivain Christophe Bataille ont écrit, en mêlant les informations historiques, factuelles, abominables, aux souvenirs intimes, aux commentaires ironiques à l’endroit de la purification entreprise par l’Angkar. Présenté à Cannes en 2013 où il a reçu le prix « Un certain regard », ce film unique et bouleversant a reçu l’accueil critique et public qu’il mérite.

L’Image manquante est disponible en DVD et VOD (France, 2013) chez Arte : http://boutique.arte.tv/f9266-image_manquante
C’est également un livre du même nom signé Rithy Pahn et Christophe Bataille (Grasset, 72 p., 8€).