On connaît Didier Bourdon, le comédien, le réalisateur, le comique et un peu moins bien le compositeur de musique… mais qui connaît l’humaniste amateur de langues et de cultures ? Avec beaucoup de spontanéité, d’enthousiasme et de modestie, il nous a confié son amour pour les langues et la méthode Assimil. Comme un musicien fait ses gammes, il travaille régulièrement des langues qu’il nous dit ne pas vraiment parler. Mais on sent bien qu’il est trop modeste pour affirmer le contraire…
Et vous savez quoi ? pendant tout l’entretien réalisé au téléphone, on n’a pas eu droit à une seule vanne… comme quoi, pour Didier Bourdon, on ne plaisante pas avec les langues. Toujours est-il que l’Inconnu rejoint une longue lignée de comédiens et de personnalités qui, de Jean Marais à Kirk Douglas en passant par Georges Brassens, ont appris une langue avec la méthode Assimil.

Assimil : D’où vous vient cet intérêt pour les langues ?
Didier Bourdon : Cela vient de mon père en fait. Il utilisait la méthode Assimil. Sauf à aller dans le pays, ce qui n’est pas toujours évident et au moins pour garder contact avec la langue, c’est vraiment une méthode très agréable.

Votre père avait eu à apprendre les langues dans le cadre de son travail ?
D.B : Pas particulièrement… peut-être l’espagnol quand on habitait à Biarritz. Peut-être qu’il avait commencé à l’apprendre, car on allait souvent en Espagne. J’ai d’ailleurs gardé son livre de l’époque. Après, il y avait aussi l’anglais… oui, l’anglais et l’espagnol.

Donc, en quelque sorte, il y a eu transmission de cet intérêt du père vers le fils.
D.B : En fait, déjà, j’aime les langues. Il y a beaucoup de méthodes, Assimil c’est assez ludique je trouve, c’est pas mal. Et il  y a plusieurs périodes, j’aime bien les anciennes versions. En allemand par exemple, je préfère l’ancienne version à la nouvelle : elle est un peu plus intéressante historiquement.
Grâce à Internet on peut aisément retrouver les anciennes éditions, parce que dans la boutique Assimil, il n’y a pas les anciennes éditions. D’ailleurs, ce serait bien de pouvoir les trouver : je fais une réclamation !
Autre réclamation : on aimerait voir le visage des locuteurs et des gens qui disaient les leçons. Ils deviennent familiers, on aimerait savoir si c’était des comédiens de l’époque. Je n’ai pas réussi, pour le moment, à le savoir. Si vous pouvez m’aider dans mes recherches…

Didier, combien de langues parlez-vous aujourd’hui ?
D.B : [Soupir… et rire nerveux] J’essaye d’apprendre l’allemand, l’espagnol et l’italien. Et l’anglais toujours, bien évidemment, et même l’anglais américain. Je partage mon travail d’apprentissage ainsi : un jour sur deux c’est l’allemand et l’italien, le dimanche c’est l’espagnol. L’espagnol, je le pratique un petit peu mieux parce que je vais souvent en Espagne. L’après-midi et le soir, c’est l’anglais et l’anglais américain.
J’ai besoin de faire mes leçons, mais ça reste un plaisir et ce qui est important, c’est de pouvoir se débrouiller. Pour l’allemand, c’est ce qui est arrivé. J’étais à Vienne je ne pouvais pas baragouiner un mot, je me souviens, ça m’a énervé. Du coup j’ai décidé de me mettre à l’allemand pour que la fois d’après je puisse commander un verre de vin, demander l’addition, etc. ce sont des petits challenges qu’on se lance à soi-même et ce n’est jamais une perte de temps. La base de l’éducation c’est de donner envie, et pour ça la méthode Assimil est très bien. Après, c’est marrant : on voit les différentes versions dans les bouquins, avec des trucs plus du tout politiquement corrects… dans la méthode Assimil d’allemand des années 60, je me souviens d’un exemple où on parlait des publicités au cinéma et du fait qu’on utilisait les chiffres : pour Achtung, dans la pub on avait 8 en chiffre et –ung en lettres. Déjà, à l’époque, il y avait des jeux avec les mots et les chiffres.
J’aime bien les anciennes versions, c’est assez poétique. Et puis dans les anciennes versions on parle beaucoup plus de cigarettes ou de « fumer » qu’aujourd’hui. A l’époque, fumer c’était normal…

Vous êtes très assidu…
D.B : L’assiduité, ce n’est pas ce qui me manque ! mais ce n’est pas pour ça qu’on fait forcément des progrès. Parfois je suis un peu… pas dépité parce que je n’ai jamais voulu abandonner, mais il suffit de tomber sur un film en allemand, j’arrive à comprendre un peu, mais très peu en fait. Pour l’anglais j’ai moins de mal mais parfois dans les films américains, on ne comprend pas tous les accents. Ma femme qui est québécoise connaît bien tout ça. Je devrais utiliser les sous-titres dans la langue d’origine, ce serait appréciable de pouvoir lire les dialogues… l’oreille n’est pas toujours adaptée et suffisante.

La cinéphilie c’est important pour votre apprentissage des langues ?
D.B : Non, pas forcément… j’aime l’altérité. Aujourd’hui on parle de repli sur soi, je trouve ça dommage. On peut être différents et vivre ensemble et donc apprendre les langues c’est important.
J’ai même fait du grec ancien et j’ai acheté la méthode, pour me rappeler mes jeunes années de grec et de latin. Je trouve que ça enrichit les gens. Et en plus il y a un adage qui est assez vrai c’est que plus on apprend de langues, plus c’est facile d’en apprendre de nouvelles. Là je reviens du Maroc, je voyais l’arabe, j’aimerais bien écrire en arabe, mais bon je ne peux pas tout faire. Mais je trouve ça très beau, le chinois aussi d’ailleurs. On ne peut pas tout faire hélas. Pas comme dans Matrix où on se  met un truc dans la tête et le tour est joué, on se met à parler une autre langue… un des plaisirs des langues, c’est l’apprentissage. Mais quand même, parfois, si on pouvait apprendre un peu plus vite…

Les langues c’est magnifique, ça permet de voir ce qu’on a en commun et aussi la vanité des choses… on traverse une montagne et hop, on découvre une autre langue. Cela nous rappelle la Tour de Babel, bien sûr. Mais la diversité c’est bien. Si on mangeait tous les jours du poisson, on en aurait marre. J’ai un ami producteur que je vois un peu moins hélas, qui est né au Chili et qui a grandi au lycée français de Rome. Dans un restaurant par exemple il passait très facilement de l’espagnol à l’italien à l’anglais ou même au français dans une conversation… je trouvais ça magnifique. Apprendre une langue c’est aussi aimer ce qu’il y autour, lui avait la connaissance de la culture du pays, c’est ça qui est plaisant. Moi quand j’apprends l’allemand, je sais que je vais avoir envie d’aller en Allemagne ou en Autriche pour m’imprégner de la culture, pareil pour l’espagnol ou l’italien. Et ce même si je sais qu’en Italie on parle très bien le français ou l’anglais. Par exemple dans un musée, j’aime lire les cartels en italien et essayer de comprendre, même si la version anglaise ou française est proposée. C’est un plaisir intellectuel.

Est-ce que le fait d’être aussi musicien vous aide pour les langues ?
D.B : L’oreille musicale c’est très important. Mais comme je vous le disais, c’est quand on vit dans le pays que l’on progresse le plus, en complément de la méthode. Le livre, c’est la base. La répétition évidemment, on le dit bien dans toutes les versions des livres Assimil. C’est la fameuse image de la mer qui monte, on a l’impression qu’elle ne monte pas mais en fait si. Apprendre une langue c’est une question de répétition. Il ne faut pas trop réfléchir quand on apprend une langue pour se l’approprier.

Didier Bourdon est à l’affiche du film The Profs 2.
La page Facebook de Didier Bourdon