« Smartphone », « parking », « buzz », « blender », « teaser » : les anglicismes nous suivent partout : ce globish constitue une des parts les plus visibles de la mondialisation. Si la tendance ne date pas d’hier, le franglais s’immisce de plus en plus dans notre lexique, au grand dam des défenseurs farouches du français. Faut-il s’inquiéter de l’essor des anglicismes ou forment-ils une évolution naturelle de la langue française ?

Le franglais, un phénomène inévitable ?

Influencée par l’hégémonie de l’anglais dans les médias, la culture, la politique ou encore la technologie, la langue française a enrichi son lexique au fil des années et pioche sans complexe dans le vocabulaire de ses voisins anglo-saxons. Ainsi, plus personne ne s’étonne d’être convié à un brainstorming par son patron, de goûter les cupcakes de sa belle-sœur ou de visionner le teaser en streaming du dernier blockbuster américain qui fait le buzz.

Si les anglicismes font partie du langage courant pour beaucoup d’entre nous, certaines de ces expressions sont inévitables tandis que d’autres le sont beaucoup moins.

  • Les incontournables

Si le football, les smartphones ou les départs en week-end font partie intégrante de notre lexique, c’est tout simplement parce que ces termes de franglais n’ont pas d’équivalents en français, justifiant leur entrée dans le langage courant. À moins de vouloir à tout prix regarder un match de « ballon au pied » en téléchargeant des applications sur son « téléphone intelligent », difficile de s’en passer.

  • Les anglicismes involontaires

Les anglicismes de la langue française ne se cachent pas seulement dans les mots empruntés : il faut parfois chercher dans la structure de nos phrases et de nos mots pour les dénicher. Si l’on a passé des vacances juste fantastiques, qu’on attend impatiemment de connaître les nominés aux Oscars ou qu’on candidate à une offre d’emploi, on emploie des mots qui semblent français mais qui sont en fait calqués sur des structures et des mots anglais. Confusant, n’est-ce pas ?

  • Les faux anglicismes

Ils sonnent anglais, ils ressemblent à de l’anglais, mais pourtant ils ne sont pas Anglais. En effet, nos parkings, campings et autres tennismen se transforment en parking lot, en camp site et en tennis players chez nos voisins d’Outre-Manche. De l’anglicisme « made in France », en somme. Constatons aussi que même chez nos voisins Québécois, présentés parfois comme des ayatollahs de la langue française, tant ils y sont attachés, les anglicismes existent. Un exemple ? Le mot « job » qui, en québécois, devient féminin : la job.

  • Les inutiles (en théorie)

Le français regorge d’équivalents pour désigner la même idée et pourtant, on préfère user et abuser de leurs alter ego anglo-saxons. Les réunions deviennent des brainstorming, les gens pressés deviennent speed et on n’effectue plus une tâche « aussi vite que possible » mais « ASAP », comprenez as soon as possible. Un usage du franglais parfois incompréhensible et souvent agaçant quand il devient systématique.

SOS langue française en détresse

Devant l’avancée rapide de ces anglicismes dans notre vocabulaire, certaines initiatives sont mises en place pour sauvegarder la langue française. La loi Toubon, entrée en vigueur en 1994, vise à protéger le patrimoine linguistique français, à travers trois leviers d’action :

  • l’enrichissement de la langue,
  • l’obligation de se servir de la langue française,
  • la défense du français comme langue de la République.

En ce sens, la Commission générale de terminologie et de néologie a vu le jour le 3 juillet 1996 dans le but de trouver des mots français équivalents aux anglais qui nous plaisent tant. Si certains s’en sortent bien comme le livre numérique destiné à remplacer l’e-book, d’autres comme le courriel (pour e-mail), le flux (pour streaming) ou le bolidage (pour le tuning) sont tombés aux oubliettes aussi vite qu’ils sont apparus.

Car pour que ces mots supplantent les anglicismes de la langue française, ils doivent être partagés, répétés, employés au quotidien. Un exercice bien difficile quand l’usage du mot anglais est déjà bien implanté, plus naturel et compris par tout le monde.

Une menace pour la langue française ? Pas vraiment…

Même si la progression du franglais est indéniable, elle résulte d’un phénomène vieux comme le monde (ou comme le langage, du moins), qui veut que les langues se confrontent, se mélangent et s’influencent. Avant 1700 déjà, on relève dans la langue française des emprunts à l’anglais, à travers des mots comme boulingrin (de l’anglais bowling green), gentleman, lord ou encore paquebot (dérivé de packet-boat).

Actuellement, on considère que 1 000 mots utilisés couramment en français nous viennent de l’anglais. En cause, l’influence d’une langue à portée internationale parlée par la première puissance économique, politique et militaire mondiale et employée dans la plupart des domaines scientifiques, financiers et techniques. Difficile, dans ces circonstances, de rester linguistiquement imperméable. C’est une tendance qui, si elle ne se limite pas au français, connaît cependant des succès divers. La langue italienne par exemple, est très poreuse et utilise aussi beaucoup de termes anglais, quand l’espagnol y résiste bien davantage.

Un échange de bons procédés cependant puisque les anglo-saxons piochent aussi dans notre vocabulaire pour enrichir le leur, et ce depuis des siècles. Ballet, encore, déjà-vu, amuse-bouche, croissant, rendez-vous, fiancé, pot-pourri, restaurant, petit-bourgeois font partie de la longue liste de mots adoptés hors de nos frontières. Des mots au champ lexical souvent lié à la cuisine ou à l’art de vivre à la française… À chacun sa spécialité !