6 questions à Catherine Garnier au sujet de Grammaire du japonais classique, en précommande sur KissKiss BankBank.
Vous aviez ce projet d’une grammaire du japonais classique depuis longtemps. Pourquoi ce souhait en particulier ?
Dès mes premiers contacts avec cette langue dite « classique », je l’ai aimée. J’ai donc été comblée lorsqu’il m’a été donné d’en enseigner la grammaire, ce que j’ai fait pendant une trentaine d’années. Je trouve toujours dommage qu’un savoir ne soit pas transmis. Une fois en retraite j’ai d’abord travaillé sur une Grammaire du japonais (moderne). Ensuite j’ai été fortement encouragée par les collègues qui ont pris ma relève pour l’enseignement du classique à mettre mon cours par écrit. Qu’ils en soient vivement remerciés. L’ouvrage diffère du cours, pas tellement dans son contenu, cependant enrichi, mais dans sa structure. Ce n’est pas du tout pareil de s’adresser à des étudiants présents ou à un lecteur.
À qui s’adresse votre ouvrage ?
À l’origine il s’adresse directement aux étudiants qui auront besoin dans leurs recherches d’aborder des textes jusqu’au XXe siècle : littérature, histoire, histoire de l’art, histoire des sciences, droit… Mais il peut aussi intéresser toute personne curieuse d’en connaître plus sur l’histoire de la langue japonaise.
Quelles ont été les principales évolutions du japonais classique pour aboutir au japonais moderne ?
Je crois qu’on peut dire que le tournant marquant a été le déplacement du lieu du pouvoir réel, de la capitale des empereurs, Kyôto, à la résidence des shôgun, Edo, qui deviendra la capitale Tôkyô. Il existait jadis de nombreux dialectes que les linguistes japonais divisent, en gros, en dialectes de l’ouest (Kansai > Kyôto) et dialectes de l’est (Kantô > Edo). C’est le côté dialectes de l’est qui a prévalu dans la construction du japonais moderne.
Quelle a été le rôle des femmes, et surtout des autrices dans l’émergence d’une langue et d’une écriture japonaises ?
Quelle question ! L’histoire de l’écriture japonais est d’une grande complexité. Il a fallu des siècles avant qu’elle n’aboutisse à un système à peu près stabilisé qui est celui en usage aujourd’hui. On pourrait en dire autant de la langue, avec le fossé qui se creuse de plus en plus après l’époque de Heian entre langue écrite et langue parlée, avant un grand effort d’unification par les écrivains de l’époque de Meiji. Pour ce qui est de l’écriture, l’emploi du syllabaire par les grandes écrivaines de l’époque de Heian a peut-être contribué à lui donner ses lettres de noblesse. Ont-elles eu une influence sur la langue ? Je ne saurais répondre à cette question, mais il est indéniable que leurs œuvres, de prose comme de poésie ont eu une grande influence sur la littérature japonaise…et peut-être qui sait ? au-delà !
Est-ce qu’un apprenant en japonais peut s’attaquer au Genji ou au Taketori après avoir lu votre livre avec attention ?
Au Genji, il ne faut pas rêver ! C’est une langue d’une grande difficulté, même pour les spécialistes. Mais on peut s’essayer sur des textes plus abordables, comme le Taketori monogatari, l’Ise monogatari, le Tosa nikki, le Hôjôki. Comme il existe des traductions pour ces textes, on pourra travailler comme avec une édition bilingue ! Cependant il ne suffira pas d’avoir lu le livre, il faudra l’avoir vraiment étudié !!!
Quel a été votre choix pour la transcription et la notation du japonais classique dans l’ouvrage ?
L’ouvrage s’adressant normalement à des personnes connaissant déjà le japonais moderne, tous les exemples sont bien sûr en écriture japonaise, avec tout de même la transcription. J’ai renoncé à l’usage des kyûkanji 旧漢字(kanji non simplifiés), ce qui est d’ailleurs le choix des éditeurs actuels de textes classiques, mais j’ai par contre respecté (comme les dits éditeurs) ce qu’il est d’usage d’appeler le kyûkanazukai 旧仮名遣い, en usage jusqu’au XXe siècle, et dont une des caractéristiques principales est de noter des H et des W là où ils ont aujourd’hui (et sans doute depuis longtemps) disparu. Quant à la transcription, il s’agit d’une simple translittération, en suivant globalement le système Hepburn.
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