Richard Simcott chez lui, à Skopje, en janvier 2019. Photo NR
Richard Simcott, créateur et organisateur de la Polyglot Conference, a publié cette tribune dans le Guardian le 12 août. Pour le simple plaisir de saluer un des plus grands polyglottes vivants et un homme aussi savant que charmant, nous vous la proposons désormais en français. La Polyglot Conference 2022 a lieu à Cholula, Mexique, du 28 au 30 octobre.
Dès mon plus jeune âge, j’ai été fasciné les langues et le langage. J’ai grandi à Chester ; mes parents sont du Merseyside (comté autour de Liverpool), avec des origines galloises et anglaises. J’ai absorbé les mots gallois que ma grand-mère m’apprenait et j’ai pris l’accent Scouse de ma famille.
Je me souviens de vacances en Espagne, j’avais sept ans. Deux garçons m’ont demandé si je parlais norvégien. Comme je ne pouvais leur répondre, ils ont fui, me laissant seul et triste. De retour en Grande-Bretagne, je me suis mis à chercher de vieilles méthodes de langue et grammaires ; j’aimais essayer tous ces mots différents pour exprimer ce que j’avais en tête. Je trouvais ça génial, et c’est toujours le cas.
Le français a été la toute première langue que j’ai apprise, à l’école, à cinq ans. Chaque année, j’obtenais les meilleures notes. Les enseignants cependant ne voulaient pas que j’apprenne l’allemand : j’étais effondré. Au lycée, j’ai participé à un voyage de géographie en Allemagne, juste pour découvrir la langue.
Au collège, j’ai passé le GCSE (General Certificate of Secondary Education) d’espagnol, puis le A-level. À partir de là, l’apprentissage des langues est devenu un art de vivre. J’ai fait une licence de langues à l’université de Hull, en étudiant le français, l’espagnol, l’italien et le portugais. J’ai suivi des cours de suédois et de vieil islandais, et j’ai fait des échanges linguistiques pour le roumain et le catalan. Je suis allé à Lyon, où j’ai joué aux fléchettes avec les stagiaires français du secteur du gaz et de l’électricité qui partageaient mon logement, puis à Malaga. J’ai passé du temps à Vérone, où j’ai lu la Bible en italien (je ne l’avais jamais lue en anglais).
Après l’université, j’ai travaillé au pair en Allemagne, et j’ai finalement étudié l’allemand. J’ai fait du vélo aux Pays-Bas, où j’ai appris le néerlandais, puis j’ai pris des cours de russe en Espagne, et un diplôme de tchèque à Prague. Je me suis inscrit à un cours du soir de grec à Rotterdam et j’ai pris des cours d’arabe à Leyde. Il s’est avéré que parler une langue à l’étranger avec des gens du pays était un moyen idéal d’apprendre, surtout à une époque où Internet n’existait pas encore.
Voyager pour apprendre une langue est devenu une aventure – elle s’est accompagnée d’une énorme excitation et bien sûr de moments plus solitaires et plus complexes. J’ai découvert que la vitesse d’apprentissage dépendait de la langue et de l’intensité de mon étude. S’il s’agit d’une langue similaire à une langue que je parle déjà, je peux l’utiliser de manière compréhensible, même si elle n’est pas toujours parfaite, en quelques semaines.
Les langues ont également eu un impact important sur ma vie personnelle. En 2003, lors d’un voyage en train dans les Balkans, j’ai rencontré ma future épouse – elle est macédonienne, diplômée en langues et littératures slaves du sud-est. Je suis rentré au Royaume-Uni et j’ai trouvé un emploi au Foreign Office, où j’ai utilisé les langues pour assurer la liaison avec les diplomates. J’ai été muté à Skopje et Sarajevo, dans les Balkans, et à Chișinău, en Moldavie, où j’ai appris le jargon local.
Lorsque notre fille est née à Chester en 2007, nous lui avons parlé en anglais, en français et en macédonien. À l’âge d’un an, elle pouvait dire des phrases de trois mots dans trois langues. Nous avons introduit l’allemand et l’espagnol. Nous parlons toujours les cinq langues à la maison.
Nous avons déménagé dans les Balkans en 2010. J’ai étudié le turc et l’albanais et je me suis imprégné du contenu – y compris la télévision, la musique, la radio, les mèmes et les blagues – de la Serbie, de la Croatie, de la Bosnie, du Monténégro et de la Bulgarie. Maintenant que je vis ici, je ne parle anglais que pour le travail ou avec des amis en ligne. Lorsque l’on me présente à quelqu’un de nouveau, on me demande souvent d’énumérer des langues, comme un tour de passe-passe, ce que je prends à contre-pied. Après tout, c’est inhabituel.
On m’a décrit comme l’une des personnes les plus multilingues du Royaume-Uni, ce qui est très aimable. J’ai étudié plus de 50 langues jusqu’à présent. J’en utilise généralement 15 par semaine et plus de 30 en un an.
Pendant le confinement j’ai suivi des cours de courte durée en sami du Nord, en écossais, en coréen et en irlandais. J’ai rejoint des groupes de conversation et passé des examens en cornique. J’ai également étudié l’estonien de manière intensive pendant un mois et j’ai été interviewé sur cette expérience – dans la langue – à la télévision estonienne. En 2013, j’ai fondé la Polyglot Conference. Je défends également les langues vulnérables, indigènes et en danger.
Avoir un monde de langues devant soi et ne pas les apprendre, c’est comme regarder la télévision en noir et blanc et ne pas savoir qu’il y a de la couleur. Elles continueront à m’enrichir toute ma vie.
L’aspect le plus important de l’apprentissage des langues est la capacité à nouer des relations avec d’autres personnes. Elles vous permettent de découvrir des dimensions et des perceptions que vous n’auriez peut-être jamais envisagées autrement.
Texte traduit par Nicolas Ragonneau
Commentaires récents