Plateforme de vidéo à la demande sur Internet, Netflix est devenu en quelques années incontournable pour les amateurs de séries, de films et de documentaires. Dans plus de 190 pays, les abonnés accèdent à un catalogue de plusieurs milliers de contenus vidéos doublés ou sous-titrés. Si la popularité de Netflix ne fait aucun doute, quelques grains de sable viennent enrayer la grosse machine : la qualité des sous-titres – français notamment.
Quelle est la qualité des sous-titres sur Netflix ?
Sujet épineux pour Netflix, les sous-titres. Ce problème n’est pas nouveau pour la plateforme adepte de sous-titrage jugé « low-cost » – à bas prix donc, mais aussi de qualité moyenne voire mauvaise selon les programmes. En effet, la qualité peut varier d’une œuvre audiovisuelle à l’autre. Début 2019, l’Ataa (Association des traducteurs / adaptateurs de l’audiovisuel) soulevait toutefois les nombreuses incohérences, dans Roma, le film d’Alfonso Cuarón récemment primé à Venise, notamment. Des erreurs non seulement de traduction mais aussi de repérage et de simulation – des missions qui incombent aux professionnels du sous-titrage – et qui peuvent gâcher l’œuvre originale.
« Pourquoi Netflix, qui dépense des fortunes en publicité et en achat et création de contenu (25 millions de dollars ont été investis dans la promotion de Roma), n’a pas confié l’adaptation du film à un traducteur professionnel, comme le font tous les distributeurs et les chaînes, que ce soit pour les films ou les séries ? »
Une question légitime de l’Ataa.
Sous-titrages Netflix : qui traduit ?
Dans le domaine de la traduction et des sous-titrages chez Netflix, difficile d’y voir clair tant l’entreprise américaine n’a eu de cesse de passer d’un modèle à l’autre en restant volontairement dans le flou, vu de l’extérieur. Par le passé, la firme a souvent délégué le sous-titrage à des laboratoires de sous-titrages partout dans le monde. En développant son catalogue mais aussi sa présence autour du globe, les problèmes de traduction se sont vite fait remarquer, notamment en France.
Pour régler ces problèmes constants de qualité, et cette mauvaise image, en 2017, Netflix entreprend une sélection « plus fine » de ses traducteurs à travers la plateforme HERMES. Cette plateforme ouverte à tous avait pour but de trier le niveau des traducteurs grâce à un test en cinq phases et d’une durée de 2h environ. À partir de QCM de traduction, les traducteurs étaient ensuite sélectionnés via un algorithme spécialement conçu par Netflix. En plus de « recruter les meilleurs traducteurs au monde », le géant américain avait aussi pour but avec HERMES de les indexer dans une base de données – prétendument* inexistante en 2017.
Cette expérience n’aura été que de courte durée car Netflix ferme la plateforme en début d’année 2018, indiquant que la base de données était suffisamment fournie. Plus tard, la firme américaine nuance ses propos. Elle se serait rendu compte que finalement, ses partenaires – d’autres laboratoires de sous-titrages, étaient plus à même de trouver les traducteurs compétents. Retour à la case départ semble-t-il. Et le problème demeure.
*Il faut savoir qu’en France, l’Ataa fournit un annuaire de professionnels de la traduction pour l’audiovisuel.
Les missions d’un professionnel du sous-titrage face aux demandes de Netflix
Le travail d’un professionnel du sous-titrage est complexe et demande du temps pour garantir une certaine qualité. Il ne se limite pas à la « simple » traduction du texte parlé par les personnages ou la voix-off d’une œuvre audiovisuelle. Le sous-titrage répond à certaines règles bien précises. Le texte traduit et affiché en bas de l’écran doit être adapté à la vitesse de lecture moyenne des spectateurs – les caractères par seconde. Il faut aussi que le sous-titre soit lisible et que le nombre de caractères par ligne n’excède pas 42. Il faut donc savoir traduire les éléments importants, en les replaçant dans leur contexte (époque, pays, type de discours, etc.). En somme, il faut rester fidèle à l’œuvre originale tant en étant concis.
Pour ce faire, les professionnels du sous-titrage (ou adaptateurs) peuvent avoir accès au script écrit, mais ce n’est pas toujours le cas. Par ailleurs, les adaptateurs sont aussi responsables de la synchronisation des sous-titres, c’est-à-dire, qu’ils doivent procéder au découpage des scènes pour que les sous-titres collent à l’image. Enfin, il faut aussi prévoir des sessions de relecture pour vérifier la qualité du travail fourni. **
Toutes ces tâches demandent un temps important et d’autant plus, si l’œuvre adaptée est « bavarde ». Par exemple, un film de Quentin Tarantino généralement truffé de dialogues et de vocabulaire pointu ne demandera pas le même temps de sous-titrage qu’un film d’action avec peu de dialogues. Cette réalité du métier ne semble pas être prise au sérieux par Netflix qui cherche avant tout la rapidité de la traduction à des prix misérables puisque la firme paie à la minute de programme sous-titré et non pas au sous-titre. En France, le tarif s’élève à environ 7,2 dollars par minute de film en 2019, d’après une adaptatrice lors d’un entretien au Point, soit environ 6 euros brut. Sachant qu’il faut généralement environ une heure de travail pour une minute et demie de programme, le montant touché à la fin du sous-titrage n’est donc pas excessif.
Les professionnels du métier ont le choix entre accepter ce genre de salaire ou refuser, sachant que les sous-titres seront alors effectués par des amateurs du genre – aussi appelé fansubbers – qui ne saisissent sans doute pas toutes les spécificités du métier et qui ne peuvent donc pas livrer systématiquement des sous-titres de qualité.
À noter que ce problème de traduction au rabais n’est pas le simple fait de Netflix. Les laboratoires de sous-titrages par exemple, promettent des traductions dans des dizaines de langues, à des tarifs défiant toute concurrence. Et là encore, des tarifs à la minute et non plus au sous-titre.
** Cette liste de tâches n’est pas exhaustive et peut varier d’un adaptateur à l’autre. D’autres missions peuvent se rajouter, à l’instar du sous-titrage pour sourds et malentendants qui grignote un peu plus le nombre de caractères disponibles à l’écran, ou la retranscription de l’audio, à l’écrit.
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