Depuis le début de la crise du coronavirus, toutes les allocutions de l’exécutif s’accompagnent d’interprètes en langue des signes française – le but du Gouvernement étant d’augmenter l’accessibilité des programmes essentiels pour tous les concitoyens. Mais comment traduire ces nouveaux mots en signes en si peu de temps ? Comment la langue des signes française s’adapte-t-elle constamment ?
Apprivoiser et signer un nouveau vocabulaire parfois technique
Pour faciliter l’accessibilité des allocutions de l’exécutif pendant la crise sanitaire du Covid-19, les interprètes en langue des signes française ont dû surmonter des difficultés multiples. La première : la création de signes pour expliquer les nouveaux mots techniques nés lors de la crise à la communauté sourde et muette. Comme pour tout autre langage, les sourds et muets ont été confrontés à un nouveau vocabulaire qu’il a fallu adapter en signes. Coronavirus, Covid-19, hydroxychloroquine… tous ces mots qu’on a pu croiser des dizaines de fois dans les discours publics ainsi que dans les organes de presse ont dû trouver un équivalent en langue des signes française, et vite. Mais comment traduire ces nouveaux mots en signes ? Il existe différentes approches pour créer un signe.
La première consiste à épeler le mot en question — une technique appelée « dactylologie ». Mais si cette pratique peut être utile pour certains termes, pour d’autres, elle se révèle plus compliquée. Dans le cas du mot « hydroxychloroquine », par exemple, l’épeler en direct pendant un discours peut prendre du temps, surtout si le terme est employé de nombreuses fois dans l’allocution. Une autre possibilité se dessine alors : signer la première lettre puis articuler la suite sur les lèvres. D’autres ont fait le choix d’utiliser l’abréviation chimique de la molécule en question, HCQ — trois lettres qui sont alors signées pour traduire le médicament. Enfin une autre technique consiste à utiliser une périphrase pour expliquer le mot à signer. Dans l’exemple précédent, certains interprètes ont choisi de le signer ainsi : « médicament contre le paludisme ». Il peut arriver que plusieurs signes se fassent concurrence pour un même mot avant de trouver un consensus au sein de la communauté sourde.
De l’usage vient la norme
Si la communauté sourde fait évoluer son propre vocabulaire et valide les nouveaux signes, les interprètes sont parfois les premiers à être confrontés à un nouveau terme à signer. Il leur faut savoir être force de proposition dans l’instantané avant d’obtenir la validation (ou non) de la communauté sourde. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que selon les pays, les signes varient pour un même mot. Une exception a émergé pendant cette crise : le signe « coronavirus » fait partie des quelques signes communs à plusieurs pays.
S’adapter au rythme
Autre difficulté pour les interprètes qui signent en direct pendant un discours : le rythme. En effet, l’interprétation en simultané doit être précise et concise à la fois pour « coller » au discours énoncé. Le choix des signes est donc crucial et peut varier d’un interprète à l’autre. Cette gymnastique d’esprit et de synchronisation demande beaucoup d’énergie pour les interprètes qui doivent se relayer régulièrement.
Vers une plus grande inclusion de la communauté sourde et muette ?
À l’heure actuelle, la langue des signes française n’apparaît à la télévision qu’en de rares occasions, comme lors des questions au Gouvernement. L’inclusion « soudaine » de cette langue à la télévision n’est pas due à la crise du Coronavirus. En effet, lors de la Conférence nationale du handicap, qui s’est déroulée le 11 février 2020, le Gouvernement s’est engagé à renforcer « l’accessibilité des programmes essentiels à tous nos concitoyens ». Par « programmes essentiels », le Gouvernement inclut les émissions en rapport avec les campagnes électorales, les événements d’importance majeure, les interventions du président de la République et celles du Gouvernement. La France espère sans doute rattraper son retard en la matière, puisque d’autres pays ont déjà donné davantage de visibilité à la langue des signes à la télévision. C’est le cas notamment aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre, ou encore en Afrique du Nord et en Amérique latine.
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