Selon les estimations, 6000 à 7000 langues sont parlées à travers le monde. Des langues qui vivent, reflètent une culture, s’adaptent aux époques, aux locuteurs et s’enrichissent de mots intraduisibles parfois dans une autre langue. Les humeurs, les phénomènes naturels, les traditions et autres spécificités culturelles donnent naissance à des expressions, parfois intrigantes, souvent poétiques, mais toujours pleines de sens.
Les mots intraduisibles les plus poétiques
Les langues savent parfois faire preuve de lyrisme pour décrire la complexité des sentiments humains et la beauté de la nature. Tour du monde des mots intraduisibles en français empreints de poésie.
Komorebi : Au Japon, ce mot sans équivalent dans la langue de Molière décrit la lumière du soleil qui s’infiltre à travers les feuilles des arbres. Si les rayons du soleil jouent (probablement) avec les frondaisons partout dans le monde, seule la langue nippone a inventé un mot pour s’y référer.
Yakamoz (en turc) et Mångata (en suédois) : l’expression fait référence au reflet de la lune sur l’eau. Là encore, si le phénomène existe dans le monde entier, seules deux langues le désignent par un mot précis.
Saudade : peut-être le plus connu des mots intraduisibles, la saudade portugaise désigne la profonde nostalgie que l’on éprouve pour quelque chose ou quelqu’un perdu pour toujours, avec une once de regret. Non content d’avoir son propre mot, ce sentiment a aussi sa propre musique : le Fado, expression ultime de la saudade.
Duende : typiquement espagnol, le terme s’apparente au pouvoir mystérieux qu’une œuvre d’art peut exercer sur un individu. Inexplicable et fascinante, c’est l’attirance qui « aimante » le spectateur et capte son regard ou son ouïe.
Voorpret : au Pays-Bas, le voorpret est la sensation de plaisir et de hâte que l’on ressent avant un évènement. Préparer le planning de ses vacances, choisir une tenue de fête, se mettre au lit après une journée interminable sont autant de situations où l’on expérimente ce fameux sentiment.
Schadenfreude : moins sympathique que le voorpret néerlandais mais tout aussi indispensable, le Schadenfreude allemand désigne la satisfaction que l’on peut ressentir en étant témoin du malheur de quelqu’un que l’on n’aime pas. Cruel, indécent, mais indispensable.
On pourra aussi citer le « Litost » tchèque qui résume la sensation angoissante ressentie lorsque l’on prend conscience de sa propre misère, ou le « Kaapshljurslis » propre aux Lettons, littéralement « être à l’étroit dans les transports en commun aux heures de pointe ». Ou encore « Filotimo » pour les Grecs, plus qu’un mot, une philosophie pour qualifier un ami d’honneur et le lien de dignité, de fierté, de sacrifice et de respect qui vous unit à lui.
Les situations du quotidien résumées en un mot
Les langues rivalisent d’imagination pour décrire des habitudes a priori banales et des situations récurrentes avec des expressions imagées et des mots intraduisibles, forcément.
Abbiocco : N’avez-vous jamais été saisi par cette impression de fatigue après avoir mangé ? Ce « coup de barre » post-repas a un nom en Italie : avoir « l’abbiocco », c’est tout simplement l’envie irrépressible de faire une sieste après le dessert.
Sobremesa : On reste à table, mais cette fois-ci en Espagne. Après un bon repas entre amis ou en famille, il n’est pas rare de rester un moment pour discuter de tout et de rien, en toute convivialité. La sobremesa (littéralement « sur la table »), c’est précisément cette conversation qui suit le dernier plat.
Desenrasscanço : Au Portugal comme ailleurs, il faut parfois faire face à une situation imprévue et improviser une solution de repli à la dernière minute. Le desenrasscanço, c’est justement cette capacité à trouver un plan B au pied levé.
Utepils : mot norvégien par excellence, l’expression désigne une bière que l’on boit en plein air. Si l’action est banale en France, elle l’est moins en Norvège où les températures sont plus rudes, particulièrement à l’intérieur des terres. Le fait de boire une pinte en terrasse méritait donc bien un mot à part.
Verschlimmbessern : mot intraduisible propre à l’Allemagne, il désigne le fait d’empirer un problème en tentant d’y apporter une solution. Étaler une tache en essayant de la nettoyer, réparer son ordinateur et le mettre définitivement hors d’usage…En français, on pourrait parler d’« aggraver son cas ».
Pochemuchka : En Russie, c’est le mot qui désigne quelqu’un à la fois trop curieux et trop bavard. Le pochemuchka est cette personne qui pose trop de questions et finit par devenir un brin agaçante, sans être méchante.
Jayus : Tout le monde a dans son entourage un amateur de « jayus », mais seul l’indonésien consacre un mot à ce phénomène. Le jayus, c’est une plaisanterie tellement pathétique qu’elle en devient drôle. La « blague Carambar » version asiatique, en somme.
Tartle : Sans équivalent en français, ce mot venu d’Écosse exprime l’hésitation ressentie lorsque l’on est sur le point de présenter quelqu’un mais que l’on a oublié son prénom. Une situation que chacun a rencontré au moins une fois dans sa vie et qui méritait bien un nom.
Si chaque langue au monde a dans son lexique un mot qui lui est propre, le français aussi peut faire preuve d’originalité. Affriolant, dépaysement, se défenestrer, se recroqueviller sont autant de mots que le monde entier nous envie.
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