Depuis 8 ans, la chaîne Canal + mène une campagne de production de séries à la fois originales, créatives et séduisantes. Des séries qui se démarquent généralement par leur qualité, mais aussi par leur hétérogénéité concernant les langues dans lesquelles elles sont réalisées. Langues régionales, anglais britannique : comment se justifient ces choix pour des séries françaises ? Sur le plan linguistique, qu’est-ce qui fait la particularité des séries Canal ?
Séries Canal : objectif Europe
Quel est le point commun entre Tunnel, Spotless, Panthers et Versailles ? Il s’agit de quatre séries estampillées Canal + ayant vu le jour grâce à la participation de producteurs, réalisateurs, scénaristes et/ou techniciens britanniques. À tel point que sur le marché international, ces séries sont parfois confondues avec des productions made in England. Une stratégie qui s’explique, en premier lieu, par une envie de la part du groupe Canal de s’ouvrir sur l’Europe, avec l’Angleterre en ligne de mire, pays réputé comme étant le premier producteur européen de séries de qualité.
Les partenariats avec ses voisins européens n’ont rien d’anormal pour la chaîne, qui travaille sans relâche depuis une vingtaine d’années afin de s’implanter significativement dans le paysage audiovisuel du continent. Et ça marche, puisque Canal a réussi à enrayer l’expansion de HBO en Europe de l’Ouest au début des années 90 grâce à ses filiales réparties stratégiquement (Belgique, Espagne, Italie, Pologne, Pays-Bas, pays scandinaves et Afrique).
Dans une période de tension politique et économique au sein du continent, l’heure est à l’affirmation des valeurs européennes, à l’unité et à l’union des forces et des talents : c’est en tout cas le discours que tient Jack Thorne, auteur anglais de la série Panthers ; ironique ? Forcément, puisque l’Europe décrite dans cette même série est parasitée par des affaires de corruption en tout genre. Pour autant, la collaboration entre professionnels français et anglais se révèle aussi fructueuse que savoureuse. La série Canal Tunnel se joue de cette coproduction en moquant dans son scénario les travers des « rosbifs » qui maîtrisent mal le français et des « frenchies » peu aimables.
Au-delà de mêler les langues, les séries forment un savant mélange de cultures, de références, d’humour, qui enrichissent le support, les histoires… Et renforcent leurs chances de plaire, dans un pays comme dans l’autre.
La langue des séries, un souci d’exportabilité
Que les séries produites par Canal + plaisent au public français, c’est bien. Qu’elles s’exportent sur le marché européen, c’est mieux. C’est précisément la question qui se pose au moment de choisir la langue dans laquelle s’exprimeront les personnages au cours des épisodes. Sans compter qu’en plus de son appétit européen, Canal lorgne également du côté des États-Unis, réputés très difficiles d’accès pour les séries de l’Hexagone.
Tunnel et Panthers par exemple, ont opté pour le multilinguisme ; de ce fait, le sous-titrage est de mise lorsque la langue pratiquée n’est pas celle du pays dans lequel les fictions sont diffusées. Spotless préfère le tout-anglais, un choix justifié par le fait que l’intrigue se déroule à Londres et ce même si les personnages, Jean et Martin Bastière, sont… Vendéens. En revanche, la langue de la série Versailles a été sujette à controverse. L’intrigue, située au cœur du célèbre château, met en scène le roi Louis XIV et sa cour. Difficile donc de justifier l’usage de l’anglais pour une série se déroulant en France au XVIIe siècle. La raison : la volonté des producteurs d’exporter la série sur le marché américain et donc d’en simplifier la compréhension, quitte à frôler (voire mettre les deux pieds dans) l’absurde pour les spectateurs français.
Un dilemme permanent entre rentabilité et authenticité
Le fait que la série Versailles soit intégralement tournée en anglais est symptomatique d’un problème de plus en plus récurrent : comment vendre une série française sur un marché presque totalement anglophone, tout en conservant sa crédibilité ?
Selon les réalisateurs britanniques de la série (Simon Mirren et David Wolstencroft), la période actuelle est une « période charnière, notamment avec l’évolution des nouveaux médias », et la France doit se frayer une place dans ce contexte, quitte à faire des concessions. En d’autres termes : pour s’insérer sur le marché, la France devra mettre sa fierté de côté quelque temps et accepter que ses séries soient tournées en anglais. Si la série Versailles s’est bien exportée en Europe et en Nouvelle-Zélande, le public (français, en tout cas) reste très mitigé sur la qualité de la série et ses invraisemblances, notamment sur le choix de la langue.
La force des séries Canal + réside dans leur capacité à mâtiner plusieurs cultures et plusieurs influences avec harmonie, sans que l’une ne digère l’autre. Un processus qui fait de ces séries des produits originaux, faits de mélanges donc, mais aussi de concessions, et de choix stratégiques. Car il ne suffit pas que l’objet télévisuel soit de qualité ; il faut également qu’il plaise et qu’il s’exporte. En anglais, la plupart du temps.
Car comme le note Mathieu Béjot, directeur de TV France international (TVFI, organisme aidant les professionnels de la télévision à vendre leurs programmes à l’étranger) les Britanniques comme les Nord-Américains n’aiment ni le doublage, ni le sous-titrage. Les producteurs français s’adaptent… En attendant que, d’ici quelques années, la situation s’inverse, qui sait ?
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