« Lavéssoque-vous larlépem le louchébem ? » Vous ne comprenez pas ? Cela signifie tout simplement (ou presque) : « Savez-vous parler le louchébem ? ». Comme le verlan, le javanais ou le largonji, le louchébem fait partie de ce qu’on appelle l’argot à clé : un langage codé, seulement compris par ceux qui possèdent la clé de compréhension. Permutation, inversement, substitution : autant de procédés variés, utilisés parfois il y a plusieurs siècles, pour créer un moyen de communication propre à une classe sociale, ou juste pour jouer avec la langue française. Découvrez toutes les techniques pour bien parler le verlan, le javanais, le louchébem ou encore le largonji.

Qu’est-ce que le verlan ?

De tous les argots à clé, le verlan est sans doute le plus connu puisqu’il est encore largement utilisé au quotidien. Pour ceux qui l’ignorent, le nom de ce langage applique sa propre règle : il signifie « à l’envers »… à l’envers.

Tout savoir sur le verlan


Ce que beaucoup ignorent, en revanche, c’est que les premières traces de verlan datent du XIIe siècle. Dans l’ouvrage Tristan et Iseut, le personnage principal se fait passer pour un jongleur du nom de Tantris.

Entre le XVIe et le XVIIe siècle, l’inversement de syllabes est utilisé par le peuple pour rire du pouvoir et d’eux-mêmes. Par exemple, la dynastie des Bourbons est renommée les « Bonbours », et les sans-souci (les personnes pauvres), les « sans six sous ». Même le célèbre philosophe Voltaire tient son nom du verlan du nom d’un village voisin de celui de son grand-père : Airvault.

Il faudra attendre 1954 et le roman Du rififi chez les hommes d’Auguste Le Breton pour voir le terme, alors écrit « verlen », apparaître.

Le verlan : comment ça marche ?


Comme toute langue qui se respecte, le verlan a ses règles et ses exceptions. Les mots de deux syllabes sont les plus simples à construire, l’inversion se faisant simplement. Ainsi, « bizarre » devient « zarbi » ou « méchant », « chanmé ».

Pour les mots de trois syllabes, les exemples sont plus rares, mais plusieurs constructions sont possibles :
• ABC (où chaque lettre est une syllabe) devient BCA. Défoncé : foncedé ; rigoler : goleri.
• ABC devient CBA. Portugais : gaitupor (très peu utilisé).
• ABC devient CB. Énervé : véner.

Pour les monosyllabes, on peut inverser les phonèmes (fou : ouf ; toi : oit), ou modifier en dissyllabe avant inversement puis troncation. Plus concrètement, fête : fê-teu : teu-fé : teuf.

Qu’est-ce que le javanais ?

Attention, on ne parle évidemment pas de la langue d’Indonésie ! Le javanais joue avec les mots de la langue française en incorporant les segments « va » et « av » entre la consonne et la voyelle d’une ou plusieurs syllabes d’un mot. Et le rendu est pour le moins étonnant.

Par exemple, « Bonjour. Comment allez-vous ? » se prononce « Bavonjavour. Cavommavent avallavez-vavous ? ». Cela demande un sacré exercice cérébral pour parler parfaitement et rapidement le javanais, ainsi qu’une pratique régulière.

Cet argot à clé est apparu à l’aube des années 1860, et était parlé initialement par les bandits et les voyous en tout genre. Un langage que vont rapidement s’approprier les jeunes, fin XIXe, début XXe siècle. Il faut dire que la construction du javanais est plutôt amusante, fait la part belle à la créativité et, surtout, représente un moyen de communication « secret », incompris par les adultes. Mais ce langage va se démocratiser, à Paris puis partout ailleurs, jusque dans les années 1960.

De grands auteurs comme Raymond Queneau se prêteront même au petit jeu du javanais dans leurs textes. Les amateurs de chanson française savent sans doute que Serge Gainsbourg a composé une chanson appelée « La Javanaise ». Si le texte est bien en français « classique », le chanteur utilise une allitération en « V » : « J’avoue j’en ai bavé pas vous, mon amour. Avant d’avoir eu vent de vous… ».

Largonji et louchébem : qu’est-ce que c’est ?

Parmi les argots qui jouent avec la langue française, le largonji et le louchébem sont étroitement liés et ont, eux aussi, marqué la fin du XIXe et le début du XXe siècle.

Le largonji

Comme de nombreux langages secrets, le largonji ne sort pas de l’Académie française mais a été créé par des prisonniers ou des bandits. Pour preuve, en 1828, l’un des premiers mots connus est « lorcefé », qui signifie « forcé ». Rapport à l’ancienne prison parisienne de La Force.

Comment parler le largonji ? La règle est un peu technique. Si le mot commence par une consonne (ou deux), il faut remplacer cette lettre par un « L », puis ajouter la lettre supprimée à la fin du mot, en la prononçant comme si vous l’épeliez. Un exemple permettra d’y voir plus clair. « Bonjour » se dira « Lonjourbé », et « pardon » se traduira par « lardonpé ». On comprend ainsi que « largonji » est la traduction du mot « jargon ».

Si le mot débute par une voyelle, le « L » remplacera la première consonne du mot qui prendra place, là encore, à la fin du mot. Par exemple, « alentionté » pour « attention ».

De nos jours, certaines expressions familières françaises utilisent le largonji. Notamment « en loucedé » qui signifie, vous l’avez maintenant compris, « en douce ».

Le louchébem

Le louchébem et le largonji sont en quelque sorte cousins. D’ailleurs, l’appellation complète est « largonji du louchébem ». Littéralement : « Le jargon du boucher ». Car ce sont dans les abattoirs de Paris et de Lyon, dans les années 1820, que les apprentis bouchers – particulièrement les plus durs d’entre eux – ont démocratisé ce langage.

Parler le louchébem est facile si vous maîtrisez le largonji. La règle est la même : un « L » en début de mot en remplacement d’une lettre qui vient se greffer à la fin. À la différence qu’ici, il faut rajouter un suffixe derrière : « -oc », « -ji », « -ème », « -uche », etc. Ainsi, « bonjour » peut se dire « lonjourbème » et « femme », « lemmefuche ». Aujourd’hui, on utilise, sans le savoir des mots de louchébem. C’est le cas de loufoque qui est tout simplement la traduction de « fou ».

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