« Mettre les points sur les i », « quand les poules auront des dents », « chercher midi à quatorze heures »… En tant que francophone, ces expressions font partie de votre quotidien. Mais mettez-vous à la place d’un étranger à qui l’on parle de poule dotée de dents. Ces phrases propres à une langue mais difficiles, voire impossibles à traduire dans une autre langue, sont des expressions idiomatiques. Chaque langue possède les siennes, en rapport avec sa culture ou son histoire. Et les maîtriser marque la parfaite connaissance d’une langue, surtout étrangère.
Une expression idiomatique : qu’est-ce que c’est ?
Une expression idiomatique – également appelée un idiotisme – est une construction linguistique, une locution propre à une langue et qui a un sens dans son ensemble, comme un tout, et non pas mot à mot. Généralement, ces expressions prennent la forme d’expressions imagées, de métaphores, de constructions grammaticales propres à la langue. Mais, pour les locuteurs d’autres pays, elles apparaissent comme intraduisibles mot à mot, au risque d’être totalement dénuées de sens, quand elles ne sont pas tout bonnement impossibles à exprimer dans une autre langue.
Un exemple sera plus clair. Prenons l’expression idiomatique « Tomber dans les pommes ». Les francophones connaissent tous cette expression qui signifie s’évanouir, faire un malaise. Pourtant, mot à mot, la phrase n’a aucun sens, ou en tout cas pas celui qu’on lui prête. Il n’est évidemment pas question de chuter au milieu de fruits.
Mais « Tomber dans les pommes », comme toutes les expressions idiomatiques, reste idiomatique car, par convention, elle appartient bien à la langue française, qu’on puisse déterminer, ou non, son origine et le contexte dans lequel elle a été créée. Mais aussi sans considération pour ses traductions littérales. Essayez de dire « I fell in the apples » à un Anglais. Il risque de vous regarder bizarrement.
Les expressions idiomatiques – et leurs groupes de mots parfois imprévisibles – permettent d’enrichir une langue, de se créer des projections mentales marquantes. On peut même leur trouver une forme d’humour, de beauté ou de poésie qui amène de la couleur à la langue et permet d’apprécier toutes ses subtilités.
Mais les idiotismes restent aussi des marqueurs de la culture et de l’histoire d’un pays ou d’une langue. Par exemple, « Revenons à nos moutons », vient de la pièce de théâtre du XVe siècle, « La Farce de Maître Pathelin ». Lors d’une scène de procès pour vol de draps et de moutons, l’accusé mélange les deux affaires, ce qui pousse le juge à prononcer cette phrase, devenue une expression idiomatique qui a traversé les siècles.
L’histoire laisse aussi une empreinte sur ces idiotismes. Marqués par des siècles de guerres, Français et Anglais partagent une expression idiomatique quasi-similaire. Les Français parlent de « Filer à l’anglaise » pour définir un comportement lâche, peu courageux. Les Britanniques, eux, préfèrent « filer à la française » : « To take French leave ».
Exemples d’expressions idiomatiques étrangères
Les expressions idiomatiques ne sont donc pas propres au français. Chaque langue possède ses expressions imagées et surprenantes, qui amènent, avec elles, un peu de culture du pays en question.
Chez nos voisins et amis d’outre-manche, on parle notamment de « Spill the tea », littéralement « Renverser le thé ». Pas de nettoyage à prévoir, il s’agit plus simplement d’échanger, de partager des informations et des rumeurs avec quelqu’un.
Autre expression, nettement plus fleurie : « Not here to fuck spiders ». Nous allons nous abstenir de la traduire mais il existe un équivalent avec les mouches en français. Ici, il s’agit de dire qu’on n’est « pas là pour perdre son temps ». Plus joliment, en français, on peut dire « On n’est pas là pour sucrer les fraises ».
Certaines expressions, comme « A wolf in sheep’s clothing » sont beaucoup plus transparentes et offrent un équivalent en français (« Un loup déguisé en mouton », voire « Un loup dans la bergerie ») et dans bien d’autres langues.
En allemand, on aime les expressions idiomatiques culinaires. Par exemple, « Das ist nicht mein Bier », pour « Ce n’est pas ma bière ». Une phrase pour faire comprendre à son interlocuteur que ce qu’il dit ne nous regarde pas. En français, on préfère « Ce ne sont pas mes oignons ».
Si vous êtes trop lent à vous exprimer, pour vous encourager à aller au bout de vos idées plus rapidement, un Allemand pourra vous dire « Jetzt mal Butter bei die Fische », c’est-à-dire « Il est temps de beurrer le poisson ».
Pour rester dans la nourriture, en Italie, quand une personne est généreuse, on dit qu’elle est « bonne comme le pain », ou « Buono come il pane », en version originale. En français, cette même personne a « un cœur en or ».
Chez nos voisins italiens, pour une personne qui dit les choses franchement, sans mâcher ses mots, on dit « Non avere peli sulla lingua », pour « Ne pas avoir de cheveux sur la langue ». Rien à voir avec l’expression française qui, elle, qualifie quelqu’un qui zozote.
Cheveux toujours, mais chez les Espagnols, cette fois. Si vous vous moquez d’un ami de façon gentille et bienveillante, on dira que vous lui avez « pris les cheveux », « Tomar el pelo ». On retrouve également une expression idiomatique similaire à une française, pour les personnes grincheuses dès le réveil : « Levantarse con el pie izquierdo », ou plus clairement « Se lever du pied gauche ».
Enfin, au Portugal, on aime particulièrement les lapins, au point de les voir s’inviter dans les expressions idiomatiques. Par exemple, « Matar dois coelhos com uma tacada/cajadada só », soit littéralement « Tuer deux lapins en un seul coup de feu ». Comme on peut le comprendre, cela se rapproche de l’expression française « Faire d’une pierre, deux coups », c’est-à-dire réaliser plusieurs tâches en une seule action.
Les Portugais utilisent également « Comprar gato por lebre », que l’on peut résumer par « Acheter un chat en pensant que c’est un lièvre ». Cela signifie tout simplement se faire avoir, se faire escroquer. En France, en argot, il existe bien « Se faire carotter ». Les lapins seraient-ils des animaux si voleurs que ça ?
Les expressions idiomatiques, symboles de la maîtrise d’une langue
Compte tenu de leurs structures, les expressions idiomatiques font partie des points particulièrement difficiles à assimiler, d’autant plus si vous débutez. D’autant que ces expressions n’appartiennent pas nécessairement au registre familier : vous pouvez les entendre aussi bien dans une conversation amicale que dans le milieu professionnel et les retrouver dans des livres, films ou séries.
Le plus grand piège consiste à vouloir traduire littéralement ce que votre interlocuteur vous dit. Si un Anglais vous dit « I’m blue », ne commencez pas à scruter la couleur de sa peau. Cela signifie juste qu’il déprime, qu’il est triste. Mais ça, pour le savoir, il faut maîtriser correctement la langue et s’imprégner de la culture locale.
Pour cela, le meilleur moyen reste de voyager et de séjourner quelque temps dans le pays en question. Échanger fréquemment avec les locaux vous permettra de découvrir toutes ces expressions qui colorent et enrichissent une langue. Et qui vous permettra, vous aussi, de vous exprimer avec plus d’aisance. La maîtrise des expressions idiomatiques reste un marqueur fort de votre excellent niveau dans une langue.
L’inverse est aussi vrai. Ne tentez pas de traduire littéralement dans une autre langue des expressions idiomatiques typiquement françaises. Si vous n’avez pas le moral, ne traduisez pas « J’ai le cafard » mot à mot, votre interlocuteur penserait surtout que votre logement est insalubre.
Alors, si au détour d’une conversation, vous entendez une phrase qui ne semble avoir aucun sens, c’est peut-être que vous venez de découvrir une expression typique de la langue. N’hésitez pas à demander des explications, c’est comme ça que l’on se perfectionne.
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