Paris ou Marseille ? Beatles ou Rolling Stones ? Apple ou Android ? Les humains ont toujours eu besoin de trouver des thèmes à opposer pour débattre et échanger, plus ou moins pacifiquement. Et les Français n’échappent pas à la règle, loin de là. Mais c’est une viennoiserie qui attise les passions : doit-on dire pain au chocolat ou chocolatine ? Un débat qui anime les réseaux sociaux, heureusement avec humour. Mais il est intéressant de se pencher sur cette question, son histoire et ce qu’elle implique au niveau régional.
Pain au chocolat ou chocolatine : quelle différence ?
Pains au chocolat ou chocolatine ? Chocolatine ou pain au chocolat ? Vous avez beau retourner le problème, la réponse reste la même : on parle bel et bien de la même chose. Il s’agit évidemment d’une viennoiserie à peu près rectangulaire, constituée d’une pâte levée feuilletée – la même que celle utilisée pour les croissants – que l’on enroule autour de barres de chocolat. En boulangerie, elle est vendue aux alentours de 1 euro.
Si le produit reste le même, les origines de cette opposition se trouvent donc ailleurs. Regardons cela de plus près.
Pain au chocolat ou chocolatine : pourquoi un tel débat ?
Avant de se pencher sur le duel impitoyable entre le pain au chocolat et la chocolatine, prenons le temps de poser les bases du débat. Comme beaucoup d’échanges et de discussions de nos jours, tout part des réseaux sociaux.
Bien sûr, le débat reste bon enfant et repose sur une guerre de clochers (ou de régions en l’occurrence), saupoudrée d’une touche de gastronomie. Fierté régionale et spécialité connue dans le monde entier : avec une telle recette, les débats ne pouvaient que s’enflammer, avec humour. Le duel « pain au chocolat ou chocolatine » ressort donc très régulièrement sur Facebook, Twitter ou Instagram, sous la forme d’un nouveau sondage, d’une énième infographie ou d’un meme humoristique.
Un internaute est même allé jusqu’à créer un site web, tout simplement appelé chocolatineoupainauchocolat.fr, et qui vous permet de voter pour l’appellation de votre choix, après avoir renseigné votre ville d’origine. On verra que cela a son importance. Pour l’anecdote, à la mi-avril 2021, plus de 129 000 personnes avaient voté. Et l’appellation pain au chocolat l’emportait à 60 %, contre 40 % pour la chocolatine.
Pain au chocolat ou chocolatine : qui dit quoi ?
Pour faire simple, on peut résumer le débat chocolatine ou pain au chocolat en un très simple : sud-ouest vs reste de la France. En prenant une carte de l‘Hexagone et en se basant sur les réponses des Français, les résultats sont clairs.
En France
En somme, toute la France dit pain au chocolat à l’exception d’irréductibles occitans, fervents défenseurs de leurs chocolatines. De Bordeaux aux Pyrénées, en passant par Toulouse, impensable de parler de pain au chocolat. Certains boulangers poussent même cet improbable duel en vendant des chocolatines 1 € et des pains au chocolat 1,50 €. On ne saurait trop vous conseiller d’utiliser le terme « chocolatine » si vous êtes en vacances dans le sud-ouest, afin de faciliter votre intégration… et de réaliser des économies !
Derrière ce débat se cache malgré tout une petite question de revendication d’identité régionale. Un acte de résistance pacifique et amusant, mais qui traduit malgré tout une envie de préserver et de mettre en avant des spécificités locales. À tel point que la chocolatine a même été l’étendard d’un amendement proposé par des députés souhaitant « valoriser l’usage courant d’appellation due à la notoriété publique du produit et de ses qualités reconnues au travers d’une appellation populaire ». Plus clairement, il était surtout question de rendre ses lettres de noblesse à un parler et à des produits locaux. Pour l’anecdote, l’amendement a été rejeté.
Si le débat pain au chocolat ou chocolatine a pris une grande ampleur, c’est surtout car il est question de viennoiseries – un sujet qui parle à tout le monde. Mais il existe d’autres exemples que l’on retrouve fréquemment sur Internet :
• sac : « poche » à l’ouest, « pochon » en Bretagne, « sachet » ou « cornet » dans le nord, « nylon » dans l’est ;
• serpillère : « wassingue », « loque » ou « bache » dans le nord de la France, « toile » en Normandie, « patte » ou « panosse » dans l’est, « pièce », « peille » ou « frégone » dans le sud ;
• Trop : « gavé » dans le sud-ouest, « tarpin » dans le sud, « vlà » en Bretagne, « fort » dans le nord, « cher » dans le Lyonnais, « vrai » en Bourgogne, etc.
Mais, on peut l’avouer, il est plus amusant de s’écharper gentiment sur une modeste viennoiserie que l’on prend tous un délicieux plaisir à manger.
À l’étranger
En France, on est donc plutôt de la team pain au chocolat. Mais dans le reste du monde ? Comment appelle-t-on les viennoiseries chocolatées venues de France ? Malheureusement, c’est également très partagé et il sera dur d’en tirer des leçons.
Commençons par les francophones. En Belgique, on parle de couque au chocolat, mais la notion de pain au chocolat est tout de même bien répandue. Au Québec, en revanche, c’est le mot chocolatine qui l’emporte.
Du côté des pays germaniques, on parle de schokoladencroissant, littéralement « croissants au chocolat ».
En Espagne, une variante du pain au chocolat se nomme napoletana. Alors qu’en Amérique Latine et au Mexique, on emploie le terme chocolatine.
Aux Etats-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, on parle généralement de « chocolate croissant », notamment dans les grandes enseignes.
D’une manière globale, dans le monde, il est courant de trouver directement l’appellation française de pain au chocolat. Mais beaucoup de commerçants locaux apportent quelques précisions car la notion de pain porte à confusion lorsqu’il est traduit. Et pour cause, la viennoiserie n’est pas constituée de pâte à pain.
L’histoire du pain au chocolat et de la chocolatine
Alors, quel terme est historiquement juste ? Qui est arrivé le premier ? Une plongée dans le passé peut apporter des éléments de réponse.
On l’a dit, le pain au chocolat est une viennoiserie. Et comme son nom l’indique, il s’agit d’une pâtisserie autrichienne. En France, l’apparition de cette douceur chocolatée daterait du XIXe siècle.
Selon l’historien culinaire Jim Chevallier, dans son ouvrage August Zang and the French Croissant : How Viennoiserie Came to France, la première boulangerie viennoise a ouvert à Paris dans les années 1830. À la tête de ce commerce, l’Autrichien Auguste Zang qui a donc largement contribué à populariser ce que l’on n’appelle pas encore les viennoiseries dans notre pays.
Parmi ces pâtisseries viennoises, réalisées à l’époque avec de la pâte à brioche, on pouvait alors déguster des croissants viennois, ou Kipferl, l’ancêtre de notre actuel croissant, du pain empereur, ou Kaisersemmel, et des croissants fourrés au chocolat, également appelés Schokoladencroissant.
Et c’est précisément de ce mot germanique que serait né le terme chocolatine. Comment ? Tout bêtement à cause de la sonorité des termes. Les Français, entendant Zang prononcer Schokoladen avec son accent autrichien, auraient petit à petit donné naissance au mot chocolatine. Il est donc probable que ce terme soit apparu en premier.
De son côté, le pain au chocolat qualifiait très simplement un morceau de pain dans lequel on glissait un bout de chocolat. Les boulangers français, en faisant évoluer le Schokoladencroissant, reprirent ce terme qui s’est largement démocratisé… sauf chez nos amis occitans.
Il est à noter qu’une autre rumeur sur l’origine de la chocolatine circule sur le net. Si elle est fausse, elle n’en reste pas moins amusante. Cette légende date la chocolatine de la période où l’Aquitaine était anglaise, avant 1453. Les Anglais souhaitaient manger du « chocolat dans du pain », donc littéralement « chocolate in bread ». Et le « chocolate in » serait resté pour donner naissance à chocolatine.
Seul problème à cette belle histoire : les premières fèves de cacaoyer ont été ramenées en Espagne par le conquistador Hernán Cortés en 1527. Et le cacao s’est répandu en Europe à partir de 1585. Peut-être les Anglais disposaient-ils d’une DeLorean pour voyager dans le temps. Dans le cas contraire, peu de chance qu’ils aient pu manger du pain au chocolat dans les contrées aquitaines.
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