Généralement, les écrivains optent naturellement pour leur langue maternelle au moment d’écrire. Mais il n’est pas rare de voir des auteurs se tourner vers une autre langue pour donner naissance à une œuvre. Focus sur 6 auteurs étrangers qui ont choisi d’écrire en français, par amour de la culture, héritage familial ou pour raisons politiques.
Sommaire :
1. Eugène Ionesco
Parmi les auteurs étrangers qui ont choisi d’écrire en français, Eugène Ionesco fait sans doute partie des plus célèbres. Ce dramaturge, maître de l’absurde, est né d’un père roumain et d’une mère française. Il a passé une partie de son enfance en France et s’est rapidement imprégné des cultures roumaines et françaises. À tel point qu’à 11 ans, le jeune Ionesco était bilingue et écrivait déjà ses premiers poèmes.
S’il passe ses études en Roumanie, il y étudie toutefois les lettres françaises, et multiplie les allers-retours entre ses deux pays d’origine. Amoureux des deux cultures, il n’est finalement pas étonnant de le voir écrire ses principales œuvres absurdes, cyniques et satiriques, en français. C’est notamment le cas de Les Chaises, Rhinocéros, Le Roi se meurt, ou encore sa pièce la plus célèbre, La Cantatrice Chauve.
2. Samuel Beckett
Parmi les plus célèbres auteurs étrangers qui ont fait le choix du français pour écrire, on retrouve également Samuel Beckett. Cet Irlandais se montre rapidement passionné de langues puisqu’il étudie le français, l’anglais et l’italien dans son université de Dublin.
Nommé lecteur d’anglais à l’ENS de Paris en 1928, Beckett tombe amoureux de la ville. Après un long voyage à travers l’Europe, il s’installe définitivement dans la capitale française en 1937. C’est donc à Paris qu’il écrira ses essais, romans et pièces de théâtre. S’il écrit son premier roman, Murphy, en anglais, il se chargera lui-même de la traduction dans la langue de Molière et de Ionesco, donc. Il alternera ensuite indifféremment entre l’anglais et le français, langue dans laquelle il a écrit deux œuvres majeures : Fin de partie et surtout En attendant Godot.
Mais pourquoi écrire en français ? Samuel Beckett aimait utiliser cette langue pour écrire plus « froidement », coller à sa philosophie nihiliste, et mettre plus facilement en avant l’absurdité de la condition humaine, très présente dans ses œuvres.
3. Jonathan Littell
S’il est né à New York, Jonathan Littell baigne lui aussi rapidement dans deux cultures, en étant scolarisé en France. Bilingue dès son plus jeune âge, Littell est bercé par les classiques de la littérature française.
Très vite engagé dans l’humanitaire – il travaillera notamment 7 ans dans l’association Action contre la fin – l’auteur franco-américain se montre très sensible à la thématique de la guerre et ses impacts sur les populations.
Jonathan Littell se fait un nom auprès du grand public en 2006, après la publication de son roman Les Bienveillantes. 1390 pages intenses et bouleversantes, entièrement rédigées en français, et qui vaudront à l’auteur un prix Goncourt et un Grand Prix du roman de l’Académie française.
Dans une interview, interrogé sur ce choix du français pour écrire, l’auteur a simplement répondu qu’il ne s’était même pas posé la question et que c’était une évidence. Bien lui en a pris.
4. Milan Kundera
Pour un auteur étranger, écrire en français n’est pas toujours lié à un amour de la culture ou de la littérature. Ce changement de langue peut également être l’expression de revendications politiques fortes. C’est le cas de Milan Kundera.
L’écrivain tchécoslovaque s’est exilé en France en 1975, pour fuir le pacte de Varsovie et la censure qui sévit dans son pays natal. Pendant longtemps, Kundera continuera d’écrire en tchèque. C’est dans cette langue qu’il publiera ses œuvres, dont l’une de ses plus connues, L’Insoutenable légèreté de l’être.
Naturalisé français en 1980, Milan Kundera écrira son premier roman dans sa langue d’adoption, La Lenteur, en 1995. Un choix qui confirme son amour de la France mais qui marque également un peu plus une rupture avec son pays de naissance, et le régime politique en place.
5. Jorge Semprún
Pour certains auteurs étrangers, comme Jorge Semprún, écrire en français représente un moyen d’oublier le passé. Surtout quand il est marquant et tumultueux comme celui de l’écrivain espagnol.
Après avoir fui la guerre civile et regagné la France en 1939, Semprún rejoint la Résistance durant la 2ème Guerre mondiale. Il sera arrêté par la Gestapo en 1943 puis déporté au camp de concentration de Buchenwald. Une expérience sordide et douloureuse qui laissera logiquement des traces chez l’auteur, comme en témoigne son premier roman, Le Grand Voyage.
Pour Jorge Semprún, le choix du français pour écrire s’inscrit davantage dans une démarche de reconstruction, afin de tourner les pages d’une histoire agitée et traumatisante. Bon nombre de ses œuvres se présenteront comme des traces de ses expériences, comme L’Évanouissement, Quel beau dimanche ou encore Le mort qu’il faut.
6. Andreï Makine
Parler français, c’est souvent une histoire de famille pour les auteurs étrangers. Orphelin très jeune à la suite de la déportation de ses parents, le russe Andreï Makine a pu compter sur sa grand-mère pour s’occuper de lui… et lui faire découvrir la culture française.
Bilingue très jeune, Andreï Makine nourrit une véritable histoire d’amour avec la France. À l’université, il rédige même une thèse intitulée « Roman sur l’enfance dans la littérature française contemporaine ».
Installé clandestinement en France en 1987, il obtient l’asile politique de son pays de cœur quelques années après. C’est donc tout naturellement que l’écrivain russe opte pour le français dès son premier ouvrage, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, en 1990. Il mettra également sa grand-mère à l’honneur dans un roman autofictif, Le Testament français. Il publiera également d’autres romans – L’Œuvre de l’amour, L’Alternaissance – sous le pseudonyme de Gabriel Osmonde.
Il n’est pas anodin de constater que les thématiques du bilinguisme et de la double culture reviennent fréquemment dans les ouvrages de Makine, à travers des personnages justement imprégnés de plusieurs cultures.
Et pour terminer en beauté sa belle histoire avec la France, Andreï Makine a été élu membre de l’Académie française en 2016.
En résumé
Pourquoi choisir le français pour écrire un livre ?
Il existe une multitude de raisons qui peuvent pousser un auteur étranger à se tourner vers la langue française : un héritage familial, une passion pour la culture ou la littérature française ou encore un exil politique, un signe de contestation.
C’est une chance et une richesse pour la littérature francophone de pouvoir compter sur des écrivains d’horizons différents, mais aussi une belle reconnaissance pour la langue.
Pourquoi écrire dans une langue étrangère ?
Écrire dans une autre langue que sa langue maternelle sort l’écrivain de sa zone de confort et le pousse à expérimenter, réfléchir à une autre manière de s’exprimer, explorer de nouvelles contrées. De plus, écrire dans une langue étrangère peut se montrer très bénéfique au niveau du style : l’auteur va davantage à l’essentiel, et évite des tournures et des circonvolutions qui peuvent alourdir le texte.
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