Depuis la Seconde Guerre mondiale, le yiddish – parlé à l’époque par 11 millions de locuteurs – connaît un long déclin. Alors qu’elle peut sembler menacée de disparaître, on assiste pourtant à un intérêt des jeunes générations pour cette langue. Entre envie de comprendre l’Histoire et séries qui mettent la langue à l’honneur, découvrez comment le yiddish connaît un nouvel engouement.

Sommaire :

  1. Quelles sont les origines du yiddish ?
  2. Le yiddish, une langue en déclin depuis 1945
  3. Un engouement des jeunes pour le yiddish

Quelles sont les origines du yiddish ?

Le yiddish est une langue germanique, donc d’origine indo-européenne, parlée par les Juifs ashkénazes. Elle trouverait ses racines en Allemagne, au XIIIe siècle, autour des actuelles villes de Cologne, Mayence et Trèves. Il n’est donc pas étonnant que le nom « yiddish » soit issu de l’allemand Jüdisch, qui signifie tout simplement Juif.

La diaspora juive d’Europe du Nord, installée dans cette région d’outre-Rhin, a vu sa langue évoluer, impactée par divers dialectes allemands. Une évolution qui s’est poursuivie après la migration de populations juives vers l’Europe centrale – notamment en Pologne ou en Bohème-Moravie – au XIVe siècle.

C’est à cette période que le yiddish a emprunté des éléments de langage slaves, marquant le passage de ce que l’on appelle le « vieux yiddish », Alt Yiddish, au « moyen yiddish », Mittl Yiddish.

Le yiddish, une langue en déclin depuis 1945

Mais l’Histoire récente a, hélas, inévitablement impacté le yiddish. La Seconde Guerre mondiale, et le génocide des Juifs d’Europe, a précipité le déclin de cette langue. Déclin poursuivi à l’issue du conflit, puis de la création de l’État d’Israël en 1948, quand l’hébreu a été considéré comme la langue de la renaissance et de l’avenir.

À la veille du second conflit mondial, le yiddish était parlé par 11 millions de locuteurs, soit deux tiers des Juifs dans le monde. En 2020, 75 ans après la fin de la guerre, on ne compte plus qu’entre 1 et 2 millions de locuteurs, dont quelques dizaines de milliers en France. D’ailleurs, dans son Atlas mondial des langues, l’UNESCO classe le yiddish comme une langue « potentiellement vulnérable ». L’hébreu, lui, est désormais parlé par 10 millions de personnes dans le monde.

Un engouement des jeunes pour le yiddish

Vulnérable, le yiddish peut laisser craindre une disparition sur le long terme. Et plus qu’une langue, c’est toute une culture qui risquerait alors de tomber dans l’oubli. La littérature ou encore le théâtre ont notamment joué un rôle primordial durant l’après-guerre, pour porter les paroles des survivants.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, quatre générations se sont succédé. Et les plus jeunes Juifs, qu’ils soient fervents pratiquants ou laïques, semblent se tourner de plus en plus vers cette langue en déclin.

Une envie de comprendre l’Histoire

Un engouement pour le yiddish qui peut tout d’abord s’expliquer par le poids de l’Histoire et l’envie de comprendre. Cette génération n’a évidemment pas connu la Shoah. Et à l’heure où les derniers survivants disparaissent, on note une envie de se rapprocher des anciennes générations.

Apprendre et comprendre comment vivaient leurs ancêtres qui ont connu ces heures sombres. Et cette curiosité passe par la langue : comment s’exprimaient et communiquaient ces quelque 11 millions de locuteurs avant 1940 ?

Cette envie de connaître le yiddish et de faire perdurer cette culture, cela passe aussi par la fiction, aussi bien le cinéma que les séries. À ce sujet, Ady Walter, réalisateur de Shttl – un film de 2022, en noir et blanc et tourné en yiddish – relatait son expérience sur le plateau de la chaîne israélienne i24news :

« Il y a, en Pologne, en Ukraine et dans les pays baltes, une véritable appétence pour le yiddish. Beaucoup de jeunes de ces pays apprennent la langue et redécouvrent la culture qui y est liée. Nous avons tourné le film en Ukraine et de nombreux jeunes, passionnés par le yiddish, venaient nous voir sur le tournage. »

Quand Netflix parle yiddish

Comme expliqué ci-dessus, les œuvres de fiction représentent des passerelles accessibles aux nouvelles générations pour découvrir le yiddish. Et Netflix ou Prime Video représentent un moyen d’accès simple et, surtout, efficace.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les succès fulgurants de séries utilisant le yiddish comme l’une des langues principales. 

C’est le cas d’Unorthodox. Cette mini-série allemande de quatre épisodes, multirécompensée, suit le parcours d’une jeune fille issue d’une famille juive ultra-orthodoxe dans un quartier de Brooklyn. Etsy, l’héroïne, fatiguée du mode de vie austère et des préceptes religieux stricts des Juifs hassidiques, fuit la communauté pour regagner l’Allemagne et pouvoir y vivre, librement, sa vie de femme.

Autre exemple, lui aussi auréolé de succès : Shtisel. On partage la relation et le quotidien d’un père et de son plus jeune fils, dans le quartier de Geula à Jérusalem. Une série israélienne drôle et émouvante, qui plonge les spectateurs au cœur d’une famille juive orthodoxe.

Au-delà de la qualité d’écriture évidente de ces séries, leur succès est notamment dû à leur gros travail de recherche, notamment au niveau de la langue. Par exemple, pour son film, Ady Walter a engagé un spécialiste, intervenu sur la série Unorthodox pour apprendre aux acteurs à parler le yiddish le plus précisément possible.

Le réalisateur explique sur i24news : « Le yiddish que l’on voulait recréer était celui du peuple, un yiddish que l’on n’entend plus vraiment aujourd’hui car il a disparu avec la Shoah. Le yiddish que l’on parle aujourd’hui en Argentine, aux États-Unis en Israël et ailleurs, est celui du monde religieux ultraorthodoxe. Ce n’est plus la langue du cordonnier ou du boucher qui existait avant la Seconde Guerre mondiale. Il a donc fallu faire tout un travail pour retrouver cette langue-là, ce qui était loin d’être évident, même pour des yiddishophones. »

Voir un nouvel engouement pour le yiddish apparaître et cette langue jaillir dans la pop culture reste finalement explicable. Si cette langue est aujourd’hui majoritairement parlée par des communautés ultraorthodoxes, elle évolue toutefois au sein de villes très cosmopolites comme New York ou Buenos Aires. Une raison d’espérer que le yiddish puisse survivre malgré son déclin.

En résumé

Combien de locuteurs parlent yiddish dans le monde ?

Entre 1 et 2 millions de personnes parlent yiddish dans le monde aujourd’hui, dont quelques dizaines de milliers en France. Le nombre de locuteurs a considérablement chuté en 75 ans puisqu’ils étaient environ 11 millions avant la Seconde Guerre mondiale.

Dans quels films et séries peut-on entendre du yiddish ?

Certaines œuvres de fiction récentes mettent le yiddish à l’honneur. Sur grand écran, on peut notamment citer Shttl, de Ady Walter (2022), le documentaire Yiddich, de Nurith Aviv (2020), Brooklyn Yiddish, de Joshua Z. Weinstein. Côté séries, vous pouvez regarder les quatre épisodes d’Unorthodox, sur Netflix, ou Shtisel, disponible sur Prime Video.