Depuis plusieurs années, la question de l’utilisation de pronoms non binaires, en complément des traditionnels mots genrés au masculin et féminin, anime les débats en France. Mais qu’en est-il exactement ? Définition, usage, rapport du français aux genres, utilisation de pronoms neutres dans les autres pays : retrouvez tout ce que vous devez savoir sur les pronoms non binaires.

Sommaire :

  1. Qu’est-ce qu’un pronom non binaire ?
  2. Les pronoms non binaires font débat en France
  3. Comment traite-t-on les pronoms non binaires dans la langue française ?
  4. Quid des pronoms non binaires dans les autres pays ?

Qu’est-ce qu’un pronom non binaire ?

Un pronom non binaire – ou neutre – désigne un pronom utilisé pour qualifier une ou plusieurs personnes quels que soient leur genre.

Le terme utilisé se veut plus inclusif pour les personnes non binaires, c’est-à-dire ne se définissant ni homme, ni femme, en dehors du cadre strict des deux genres, masculin et féminin. Ces types de pronoms peuvent également, plus globalement, qualifier un groupe mixte de personnes.

Les pronoms non binaires sont considérés comme des néologismes – on parle même de « néopronoms » – mais peuvent également être issus d’une réactivation de langues régionales, voire archaïques.

Forme condensée d’il et elle, le pronom iel cristallise les débats autour de l’inclusivité (voir ci-dessous). Mais il existe bien une multitude de pronoms non binaires, notamment :

  • pronoms personnels singuliers : iel, yel, ielle, ellui, ille, ul, ol, ael, æl, al, lea, etc. ;
  • pronoms personnels pluriels : elleux, euxes, etc. ;
  • pronoms démonstratifs : cellui, celleux, ceuzes, etc. ;
  • pronoms totalisants : toustes, touz, tout·e, tou·te·s, etc.

Les pronoms non binaires font débat en France

Les pronoms non binaires, derrière leur caractère inclusif, revêtent surtout une dimension politique et sociétale dans l’espace médiatique français. La question de l’utilisation de ces pronoms tient même du progressisme.

Les woke face aux boomers

Les pronoms non binaires sont la cause de débats houleux. Avec d’un côté, des personnes généralement jeunes – parfois militantes, membres ou alliées de la communauté LGBTQI+ – désireuses de voir leur langue évoluer afin d’intégrer tout le monde, sans distinction de genre. De l’autre, des partisans de la préservation de la langue française, avançant notamment que l’écriture inclusive se veut difficile à oraliser ou à lire.

Et en toile de fond, des joutes verbales sur les plateaux télévisés ou via réseaux sociaux interposés. Une France vieillissante et trop conservatrice pour certains. Une idéologie destructrice de valeurs, ne représentant que peu de monde pour d’autres. Les boomers face aux woke, pour reprendre des termes eux aussi émergents, évidemment venus d’outre-atlantique. Mais comment cela a-t-il commencé ?

Iel dans le Petit Robert en ligne

Pour le sociolinguiste, Luca Greco, le pronom iel était déjà utilisé « depuis au moins la première moitié des années 2000 », au sein des communautés lesbienne, gay, bi, trans, queer.

Mais c’est en 2021 que le sujet des pronoms non binaires est venu s’inviter dans le débat public. La raison ? Le dictionnaire Le Robert a fait le choix d’intégrer la définition de iel/iels dans sa version en ligne : « Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier (iel) et du pluriel (iels), employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. »

Une décision qui divise. Dans un communiqué, le dictionnaire a justifié son choix :

« Depuis quelques mois, les documentalistes du Robert ont constaté un usage croissant du mot « iel ». La fréquence d’usage d’un mot est étudiée à travers l’analyse statistique de vastes corpus de textes, issus de sources variées. C’est cette veille constante qui nous permet de repérer l’émergence de nouveaux mots, locutions, sens, etc. »

Certains politiques, détracteurs de l’inclusivité, sont rapidement montés au créneau. C’est par exemple le cas de François Jolivet. Le député a même envoyé un courrier à l’Académie Française et considère cette nouvelle entrée dans le Robert comme « destructrice des valeurs qui sont les nôtres ».

La présence d’un mot dans un dictionnaire en ligne n’est pas un gage de l’utilisation du terme au quotidien, ni de son intégration dans la langue sur le long terme. En revanche, la vague de réactions – positives comme négatives – est davantage susceptible de faire connaître un mot, et à certaines personnes de se l’approprier.

Comment traite-t-on les pronoms non binaires dans la langue française ?

Tout le monde connaît la fameuse règle, « le masculin l’emporte sur le féminin ». La langue française n’admet que deux genres grammaticaux. Et pour l’Académie française, « le neutre, en français, prend les formes du genre non marqué, c’est-à-dire du masculin. Les adjectifs qui se rapportent à cette locution sont donc au masculin et l’on dit quelque chose de beau et non quelque chose de belle ».

La langue française se base donc sur la binarité des genres : elle ne possède officiellement pas de pronoms non binaires, ni même neutres, comme cela peut être le cas dans des pays voisins (voir ci-dessous).

Et même s’il est admis qu’une langue évolue dans le temps, la question d’une reconnaissance des pronoms non binaires ou, plus généralement, de l’écriture inclusive par l’Académie française, ne semble pas à l’ordre du jour.

En octobre 2023, le Président de la République, Emmanuel Macron, a même appelé à « ne pas céder aux airs du temps » sur ce thème. Avant de préciser : « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour la rendre lisible. »

Il est toutefois amusant de constater que l’ancien français possédait des formes neutres, « el » et « al », issues du latin, qui étaient utilisées principalement dans l’Ouest, jusqu’au XIIe siècle

Quid des pronoms non binaires dans les autres pays ?

L’usage de pronoms non binaires n’est pas qu’une problématique française. Dans de nombreuses langues, la neutralité existe ou commence à évoluer à ce sujet.

L’anglais

En anglais, l’opposition entre masculin et féminin est bien moins marquée que dans de nombreuses langues.. Par exemple, elle n’utilise pas d’article masculin ou féminin pour désigner un nom commun.

De même, le pronom they, s’il signifie ils ou elles pour marquer le pluriel, peut également être utilisé au singulier. They peut ainsi se référer à une personne non spécifique, indéfinie ou dont le genre n’est pas pertinent. Plus récemment, son usage est grandement repris par les personnes non binaires afin de bénéficier d’un pronom neutre pour les qualifier.

L’allemand

L’allemand possède un système de noms à trois genres notamment symbolisés par les pronoms der, die, das, respectivement pour le masculin, le féminin, le neutre. Toutefois, les linguistiques germanophones réfléchissent à une manière de neutraliser ce système au profit d’un pronom unique, de.

Il est à noter que certaines personnes utilisent également les pronoms sier et xier. Mais, à l’image de iel en France, il est surtout utilisé dans les communautés LGBTQI+.

L’espagnol

Comme le français, l’espagnol ne reconnaît officiellement que deux genres, masculins et féminins. Mais les évolutions sociétales récentes ont donné naissance à des innovations linguistiques. Parmi les plus surprenantes, on peut noter l’utilisation du @ comme terminaison, en remplacement du –o masculin et du –a féminin.

De l’autre côté de l’Atlantique, on assiste à la popularisation du terme Latinx, comme alternative à Latino ou Latina. Ce terme est d’ailleurs davantage utilisé par la communauté hispanique des États-Unis qu’en Amérique latine, pourtant hispanophone.

Le portugais

Le portugais ne possède pas de pronom neutre. Mais en matière d’inclusivité, on voit se développer une terminaison neutre en -e à la place du -a féminin et du -o masculin.

Il est à noter que la communauté LGBTQI+ brésilienne utilise une langue particulière, le pajubá, issu de la famille du yoruba, d’Afrique de l’Ouest, qui s’est démocratisé comme une langue queer.

Le suédois

Le suédois utilise un pronom non binaire, hen, introduit dès les années 1960, avant de se démocratiser au XXIe siècle. Au point de faire son apparition dans le dictionnaire local en 2015 et d’être, aujourd’hui, utilisé sans problème dans des textes officiels, dans les médias, et plus largement dans le langage courant.

La Norvège semble suivre le même chemin puisqu’en 2022, le Conseil de la Langue Norvégienne a confirmé que le pronom non binaire hen pouvait être utilisé, après le constat d’une utilisation réelle et stable de ce terme.

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