Qui a dit que les jeunes Américains ne s’intéressent pas aux langues étrangers ? Depuis plusieurs mois, nous échangeons avec la sympathique Shannon Kennedy, une californienne dont l’univers n’appartient qu’à elle : saxophoniste, polyglotte et passionnée de langues, de culture et de voyages, elle mêle tous ces intérêts pour animer son blog, Eurolinguiste. De passage en région parisienne au mois d’avril, elle en a profité pour nous rendre visite, et c’est là que nous avons décidé d’un entretien sur le blog d’Assimil. Un entretien écrit que Shannon a réalisé elle-même en français et en anglais !
Assimil : Comment et quand t’es venu cet intérêt pour les langues ?
Shannon Kennedy : Mon intérêt pour les langues n’a vraiment commencé que lorsque j’étais en train de me préparer à aller à l’université. J’ai étudié la musicologie et l’une des compétences suggérée dans l’application était de savoir lire en espagnol, français, allemand, italien, ou bien latin si on était vraiment ambitieux. Je ne sais pas ce qui a déclenché mon intérêt, mais j’ai été très contente et enthousiaste d’avoir l’occasion d’apprendre l’italien et l’allemand. J’avais déjà étudié une langue auparavant – une classe de langue arabe dans une université locale quand j’avais quatorze ans pour partager une langue secrète avec une amie – mais ça n’était pas trop pour moi. Pourquoi ça a changé la deuxième fois, je n’en sais rien.
Quand l’école a commencé, et que j’ai eu accès à la bibliothèque, je me suis retrouvée à passer de plus en plus de temps dans la section des livres de langues. J’ai emprunté le maximum de livres possible, et lorsque j’en avais trop, je restais dans la bibliothèque pour lire encore les livres sur l’interprétation et la traduction. J’ai commencé à étudier le croate puis le chinois.
Quand j’ai fini l’école, ma fascination pour les langues et mon admiration pour le processus d’apprentissage sont restés avec moi. C’est quelque chose que j’adore faire. Je ne peux pas imaginer ma vie sans avoir l’occasion d’apprendre les langues.
Combien de langues parles-tu aujourd’hui ?
SK : Je peux parler français et anglais couramment. Je peux avoir des conversations en mandarin ou en croate. Avant, je parlais mieux allemand et italien que maintenant. J’ai définitivement besoin de les ré-étudier. Je peux lire en espagnol, italien, et allemand sans problème, mais j’ai vraiment besoin de me concentrer plus pour retrouver la capacité que j’avais avant. J’ai essayé d’étudier d’autres langues, comme l’espagnol, le roumain, et l’arabe, mais ce n’était pas pour moi.
La musique est souvent considérée comme le seul langage vraiment universel. Es-tu d’accord avec cette affirmation ? Comment on peut comparer les deux domaines, si tu en juges par ton expérience ?
SK : C’est une question très intéressante. La musique est certainement un langage qui peut être partagé par tout le monde indépendamment des langues parlées. Il y a quelque chose que je trouve absolument magnifique dans la musique. Quelle que soit la langue parlée par des musiciens, quelle que soit leur origine, les musiciens peuvent se réunir et jouer ensemble, sans aucun problème. On a eu récemment une expérience similaire lorsqu’on a joué en Malaysie. On est allé pour jouer avec un groupe de musiciens locaux et c’était un expérience incroyable. On a eu la chance de faire une répétition et un concert avec les musiciens qu’on a rencontrés le jour même.
À part ça, on peut facilement constater que la musique et les langues sont similaires. Les deux nécessitent un travail acharné pour les apprendre. Elles demandent une pratique régulière (ça veut dire : quotidienne) pour maintenir son niveau. On atteint des plateaux de stagnation dans l’apprentissage de chacune et on a besoin d’apprendre pour les dépasser. Dans les deux, on éprouve de la frustration, de la joie, du succès, des régressions, et des améliorations. On peut partager des expériences incroyables avec les autres grâce aux deux. On peut partager nos histoires à travers eux.
J’ai souvent entendu que les musiciens ont plus de facilité pour apprendre les langues. Je ne suis pas sûre que ça soit vrai, mais si c’est la vérité, j’apprécie de plus en plus d’avoir les deux dans ma vie.
Quels types de ressources utilises-tu pour apprendre de nouvelles langues ?
SK : Je suis partisane d’utiliser une collection diverses de ressources pour bien développer tous les aspects requis pour maîtriser une langue. Par expérience, il faut améliorer quatre habilités – la compréhension, le parlé, la lecture, et l’écriture. Ceux qui sont en phase d’apprentissage peuvent avoir des buts différents pour les langues qu’ils apprennent, mais pour moi, c’est d’apprendre les langues le plus complètement possible. Je sais bien que je ne parlerais jamais aussi bien que quelqu’un dont c’est la langue maternelle, mais ça ne m’empêche pas de vouloir atteindre ce niveau le plus près possible (et oui, je sais que j’ai encore beaucoup de travail à faire, mais j’adore le paysage qui se déroule sur mon chemin).
Cela étant dit, j’utilise :
– Assimil pour m’aider à développer mes habilités à lire et comprendre; j’utilise aussi l’audio sans le livre devant moi pour mesurer combien je comprends.
– Les cours avec les instructeurs pour développer mes habilités à parler et comprendre.
– L’audio et les podcasts pour m’aider à travailler le parlé et la compréhension.
– Un cahier où je mets tous les mots et toutes les phrases dont je pense avoir l’utilité dans le futur.
– Les flashcards.
– Certaines ressources de la langue maternelle comme les émissions télés, les films, la musique, et les livres.
En fait, je viens de mettre à jour la page de ressources sur mon site, Eurolinguiste.com. Vous aurez l’occasion de voir les types de ressources que j’utilise régulièrement.
Quels sont selon toi les avantages du multilinguisme ?
SK : Un des plus grands avantages, à mon avis, d’être multilingue est que ça m’a donné l’occasion de rencontrer plein de gens incroyables que je n’aurais jamais rencontrés si je n’avais pas 1) eu un intérêt pour les langues; ou 2) parler leurs langues. Je sens que grâce à l’apprentissage des langues, je suis une meilleure personne. Je vois au-delà de ma propre culture et ma langue maternelle et c’est très gratifiant.
Il existe aussi une merveilleuse communauté de gens qui apprennent les langues et je suis vraiment très honorée d’avoir l’occasion de rencontrer beaucoup d’entre eux. C’est merveilleux de savoir qu’il existe tant de gens partageant les mêmes centres d’intérêts.
Justement, parle-nous un peu de ton blog, Eurolinguiste.
SK : J’ai commencé mon blog pour partager mes expériences personnelles et pour apprendre les langues. Je partage mes progrès dans mon apprentissage, les méthodes qui ont bien marché pour moi, ce qui n’a pas marché, et où j’ai voyagé pour pratiquer les langues que j’ai apprises.
Depuis, mon blog a évolué d’une façon dont que je n’aurais jamais imaginé, mais je suis contente que ça se passe comme ça. C’est incroyable d’avoir l’occasion de parler de quelque chose que j’aime vraiment et d’être connectée avec des gens qui aiment les mêmes choses que moi.
En plus de parler des langues, je poste aussi des faits culturels sur les régions que j’étudie, des recettes de cuisines et des conseils pour les voyages.
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Quels sont tes livres préférés sur les langues et le langage ?
SK : J’ai lu un livre très intéressant, il y a certain temps, sur l’histoire de la langue française. Il s’appelle “The Story of French” par Jean-Benoit Nadeau et Julie Barlow. Dans le livre, les auteurs décrivent leurs voyages autour du monde et leurs recherches pas seulement sur la langue française en France, mais partout dans la diaspora française. C’est fascinant de lire toutes les variations et comment certains mots sont entrés dans le français. J’ai bien aimé aussi “Multilingualism” par John R. Edwards.
Quand tu es venue visiter les bureaux d’Assimil, tu m’as dit que tu avais pu interviewer la chanteuse Camille. Tu peux nous en dire davantage à ce sujet ?
SK : Quand j’étais en train d’étudier pour mon master, j’ai écrit une thèse sur l’utilisation des langues et de la voix dans la musique pop en France. J’étais fascinée par l’introduction de la langue anglaise dans la musique française et comment cette apparition a affecté l’industrie musicale française ( de plus en plus d’artistes français commencent à enregistrer des textes en anglais pour essayer de conquérir les marchés internationaux). Camille a enregistré en français, en anglais, et elle a même composé des chansons avec les paroles qui alternent entre les deux. Elle est aussi très novatrice dans l’utilisation du corps et de la voix comme les instruments.
Ça m’a intéressé de savoir pourquoi elle a choisi d’écrire les paroles en français et en anglais. Elle m’a dit “ Je ne m’exprime pas aussi bien en anglais qu’en français. Je m’exprime différemment ». J’ai trouvé cela très éclairant.
On entend souvent l’argument que nos personnalités changent en fonction de la langue qu’on parle (on, c’est-à-dire ceux qui sont multilingues). Les langues sont construites autour de la culture, et la culture autour des langues alors il serait logique qu’on exprime nos pensées et nos sentiments différemment quand on parle des langues différentes. Ça nous force à utiliser des mots différents. Toute personne avec de l’expérience dans la traduction peut s’en rendre compte. C’est souvent impossible de traduire mot pour mot, alors on essaie plutôt de traduire le sens des phrases. Mais si on utilise un mot particulier qui n’existe pas dans une autre langue, la traduction peut seulement être vague, ou inexacte. Alors, c’est vrai. On ne peut pas s’empêcher de s’exprimer différemment dans chaque langue que l’on parle. Sachant cela, je peux voir pourquoi les artistes trouveraient intérêt à écrire dans des langues différentes. Les subtilités des langues leur permettent de dire les choses d’une autre façon..
De quels instruments joues-tu ?
SK : Je joue principalement du saxophone, de la flûte, et des claviers, mais je joue aussi de la clarinette, du hautbois, de la guitare acoustique, une variété d’instruments à vent (comme la Native American flute et le duduk), et je chante aussi. J’ai aussi joué d’autres instruments, mais récemment, j’ai essayé de me concentrer sur moins des choses.
Quel est ton/ta saxophoniste préféré(e) ?
SK : C’est impossible de choisir qu’un. J’aime bien Candy Dulfer, David Sanborn, Maceo Parker, Kenny Garrett, Joshua Redman, Michael Brecker, et Gerald Albright, juste pour en citer quelques-uns.
Quels sont les prochaines langues à apprendre sur ton agenda ?
SK : J’aimerais bien apprendre le japonais et le russe. J’ai déjà réfléchi à l’idée d’apprendre le breton, mais je ne suis pas sûre si je vais l’étudier sérieusement. Je vais l’étudier à côté un peu plus pour le plaisir. Mon objectif est de parler huit langues couramment.
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