Une étude menée par une chercheuse finlandaise à l’université de Glasgow, montre qu’il est plus facile d’utiliser des grossièretés dans une langue étrangère que dans sa langue maternelle. Mais pourquoi donc est-on plus grossier en langue étrangère ?
Parler une langue étrangère ou comment libérer les émotions
Wilhelmiina Toivo, chercheuse finlandaise en psychologie à l’université de Glasgow, étudie les différences de comportements dans un contexte plurilingue. Elle a noté un décalage entre le vocabulaire utilisé dans une langue maternelle et celui utilisé dans une langue étrangère. Il semblerait que la parole se libère en langue étrangère.
Émotion et langage : quel est le lien ?
En venant étudier à l’université de Glasgow, cette étudiante finlandaise s’est rendu compte que son propre comportement changeait lorsqu’elle ne parlait pas sa langue maternelle. D’une éducation respectueuse et polie, Wilhelmiina Toivo n’avait jamais été à l’aise avec les grossièretés. Et pourtant, une fois à Glasgow, elle n’hésitait plus à utiliser des mots familiers lorsqu’elle échangeait avec ses colocataires, en anglais. Chose qu’elle n’aurait jamais faite en finnois. Ce phénomène n’est pas forcément dû au fait de vivre loin de son pays d’origine, ni loin du cocon familial. Wilhelmiina Toivo a remarqué que ce comportement se retrouvait chez toutes les personnes plurilingues. Cette attitude a même un nom : la résonance émotionnelle réduite de la langue.
Résonance émotionnelle réduite de la langue : qu’est-ce que c’est ?
La notion de résonance émotionnelle réduite de la langue traduit une implication émotionnelle moindre d’un individu dans un environnement où la langue parlée serait différente de sa langue maternelle. La langue étrangère n’aurait donc pas le même « poids émotionnel ». De fait, l’individu est moins impliqué dans le choix des mots qu’il emploie. En étant moins connecté naturellement à la deuxième langue parlée, la personne se distancie de ses émotions et du sens des mots employés. Qu’ils soient énoncés ou entendus en langue étrangère, les jurons semblent avoir un impact émotionnel moindre sur la personne, contrairement aux grossièretés en langue maternelle.
Distanciation émotionnelle : comment et pourquoi la mesurer ?
En se questionnant sur les différents leviers émotionnels d’une langue, Wilhelmiina Toivo a pour ambition de mieux comprendre les réalités des personnes plurilingues dans un environnement qui ne leur est pas naturel. De plus en plus de personnes sont plurilingues et la migration est un phénomène de plus en plus répandu. Mais pour autant, évoluer dans un pays dont la langue diffère de sa propre langue peut faire naître un sentiment d’isolement et d’exclusion, quel que soit le niveau de maîtrise de la langue du pays d’accueil. Cette étude a donc pour but de mieux comprendre le fonctionnement et l’adaptation du cerveau humain à travers le langage.
Pour appuyer ses dires sur la résonance émotionnelle réduite de la langue, Wilhelmiina Toivo a analysé le mouvement de l’œil de plusieurs personnes plurilingues. En effet, il a déjà été prouvé que les pupilles de l’œil se dilatent lorsqu’elles sont confrontées à un mot ou une image chargée en émotion. Dans le cas d’une étude sur la distance émotionnelle de la langue, l’étudiante remarque que la pupille des sujets plurilingues confrontés à des mots en langue étrangère, se dilate beaucoup moins que si ces derniers avaient été écrits dans la langue maternelle des sujets, ce qui prouve donc que l’émotion n’est pas traitée de la même façon dans une langue étrangère. Cependant, cette pratique ne permet pour le moment pas de répondre à certaines interrogations, comme le rôle de l’âge d’apprentissage de la langue étrangère sur ce phénomène, ou encore l’impact de la fréquence d’utilisation de cette seconde langue.
Résonance émotionnelle réduite : les avantages
Cette résonance émotionnelle réduite n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Ce phénomène permet d’avoir une meilleure communication et une meilleure écoute, d’être plus rationnel mais aussi de prendre plus de risques.
- Communication et écoute de meilleure qualité
Grâce à la distanciation émotionnelle, les personnes bilingues ont une écoute plus attentive et sont de meilleurs communicants. C’est même un véritable atout dans un couple bilingue. Si on dit plus volontiers de grossièretés en langue étrangère, on partage aussi plus facilement ses sentiments. Un couple bilingue communique donc logiquement mieux.
- Logique et rationalité plus importante
Une autre étude menée par Albert Costa, professeur à l’université de Barcelone, démontre que penser et réfléchir en langue étrangère permet d’être plus rationnel et plus efficace lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. En mettant de côté les émotions et les tabous, le cerveau bilingue est plus enclin à utiliser la logique pour résoudre un problème donné. L’une des raisons avancées pour expliquer ce phénomène est le temps de réflexion. Forcément, réfléchir dans une autre langue demande davantage d’effort. Le cerveau se détache des émotions pour adopter un comportement plus raisonnable qu’intuitif. L’autre raison implique l’importance de la première langue apprise. La langue maternelle a une plus grande influence sur les émotions. Le raisonnement est plus rapide mais il est aussi plus erroné que lorsqu’on réfléchit dans une langue étrangère.
- Prise de risque accrue en langue étrangère
Un sujet parlant parfaitement une deuxième langue en plus de sa langue maternelle, est également plus enclin à prendre des risques. Des recherches montrent que ces risques paraissent moins importants lorsqu’ils se trouvent dans le contexte d’une langue étrangère. Le sujet aura même tendance à considérer ces risques bien plus bénéfiques que dangereux.
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