Chaque nouvelle édition d’un dictionnaire fait la part belle aux nouveaux venus dans la langue française… mais beaucoup moins aux mots qui, au contraire, disparaissent de ses rangs. Pourquoi un mot sort-il du dictionnaire ? Et comment ? Voyons comment sont supprimés les mots du Larousse, du Petit Robert et du dictionnaire de l’Académie française.

Mots sortis du dictionnaire : pourquoi et comment ?

Qu’il s’agisse du Petit Robert, du Larousse ou du dictionnaire de l’Académie française, le processus est le même : lexicographes, terminologues ou encore directeurs éditoriaux des dictionnaires mènent un véritable travail de fond, très cadré, pour déterminer les mots à retirer du dictionnaire.

Un processus de sélection rigoureux

La veille et les enquêtes de terrain, menées toute l’année, permettent d’abord de mettre en exergue certains mots anciens disparus, ou en tout cas plus utilisés dans la langue française. Les éditeurs interrogent ainsi leur entourage, mènent des sondages auprès des jeunes ou questionnent des spécialistes de certains métiers pour connaître les mots devenus désuets. Un petit comité de décideurs procède ensuite à un vote pour trancher quels mots doivent définitivement laisser leur place dans le dictionnaire.

Une mission sensible et peu appréciée des auteurs de dictionnaire, souvent malheureux d’ôter des mots de leur ouvrage. Ce vote des disparus du dictionnaire intervient généralement au même moment que la sélection des nouveaux venus — lors de la refonte des « pavés » — ce qui les console tout de même dans leur mission. Autrement dit, les personnes qui statuent sur la sortie des mots du dictionnaire sont aussi celles qui tranchent sur les nouveaux mots à intégrer.

Les mots sortis vs les mots entrants

Là encore, le discours est le même pour tous les dictionnaires français : l’objectif est de limiter au maximum la suppression de mots de leurs pages, bien qu’elle soit nécessaire pour faire de la place aux nouveaux mots entrants.

Pour garder un maximum de mots, les éditeurs rusent et utilisent plusieurs astuces. Ils jouent notamment sur le grammage du papier, sur les marges ainsi que sur la réduction du nombre ou la taille des images, dans le cas d’un dictionnaire illustré.

La modification de la typographie peut également être utilisée par les éditeurs de dictionnaire. Toutefois, lorsque les maquettistes des dictionnaires atteignent leurs limites, il devient nécessaire de trancher et d’ôter des mots. C’est à ce moment-là qu’interviennent les différences de traitement selon la politique du dictionnaire.

Larousse, le dictionnaire reflet de la société française

Depuis sa première édition en 1906, environ 10 000 mots ont été supprimés du Larousse, contre 18 000 nouveautés. Le dictionnaire se veut évolutif en fonction de la société française. En d’autres termes, il s’agit d’y mettre les mots plus utilisés de la langue, afin de refléter au mieux la société à un moment donné.

Dans un contexte de transformation permanente des métiers, les noms de professions font ainsi partie des mots souvent supprimés dans le Larousse, afin d’être renouvelés. Les mots « chaufourniers », « coffretiers » ou encore « argenteurs » ont ainsi disparu du dictionnaire, au profit des « informaticiens », « développeurs » ou encore « collaborateurs », par exemple. Certains anglicismes, que les auteurs considèrent comme plus assez utilisés, sont aussi supprimés du dictionnaire, tels que « computer » pour définir un ordinateur, ou le terme « drink » pour signifier « aller boire l’apéritif ». Autre exemple de mots disparus du Larousse : ceux dérivés d’objets anciens, comme « magnétoscoper ».

Il est à noter que les auteurs de dictionnaire n’ôtent pas seulement des mots, mais également des sens. Le terme « achalandé », qui signifiait autrefois qu’il y avait beaucoup de clients — de « chalands » — veut aujourd’hui dire, plus couramment, qu’il y a beaucoup de marchandises.

Le petit comité du Larousse, composé de trois ou quatre personnes, statue sur la disparition de certains mots lors de la refonte de l’ouvrage, environ tous les douze-quinze ans. À cette occasion, 150 mots environ font leur entrée dans le dictionnaire.

Le Petit Robert, le dictionnaire à vocation historique

Du côté du dictionnaire Le Petit Robert, la suppression des mots se veut plus rare. L’ouvrage se revendique en effet davantage historique, souhaitant ainsi laisser une trace de tous les mots qui ont composé la langue française à un moment donné. Il s’agit de faciliter la compréhension de l’étymologie et de l’évolution du langage pour le lecteur.

De ce fait, si un mot est quelque peu désuet, Le Petit Robert ne le supprime pas nécessairement de ses pages. Il préfère l’annoter de la mention « vieilli » pour les mots encore utilisés par des personnes de 80 ans et plus, et de « vieux » pour les termes qui ne sont plus dits du tout. Les termes obsolètes cohabitent alors avec des termes plus récents (« java » et « teuf », par exemple).

Par ailleurs, les auteurs du Petit Robert rappellent que certains disparaissent un temps, puis reviennent sur le devant de la scène, à l’image du terme « thune ». Ce dernier signifiait au départ l’aumône, puis la pièce de 5 francs au XIXⷷ siècle, avant de tomber aux oubliettes et de revenir il y a une vingtaine d’années au sens d’argent en argot.

Autant d’arguments qui poussent les lexicographes à croire que les mots s’endorment seulement, mais ne disparaissent jamais vraiment.

Ce n’est qu’en 1993 que le Petit Robert a vu quelques mots être supprimés de ses rangs, lors d’une grosse refonte. Il s’agissait alors uniquement de mots dont le sens est transparent, tels que « essuie-plume » ou « cache-corset ». Ces derniers n’ont d’ailleurs pas totalement disparu, puisqu’ils ont transité vers le Grand Robert, la version numérique du Petit Robert. La solution parfaite pour combler le manque de place sur la version papier, sans devoir supprimer définitivement les mots.

Le dictionnaire de l’Académie française, une mission patrimoniale

Le dictionnaire de l’Académie française a vu sa première édition naître en 1694. Entre chaque édition, souvent espacées de plusieurs décennies, environ 500 mots sont sortis, contre 25 000 ajoutés lors de la dernière refonte.

Mais les rédacteurs du dictionnaire limitent au maximum ces sorties, considérant que l’ouvrage a une mission patrimoniale. Le vocabulaire nécessaire à la compréhension des grands textes de la littérature des XVIIIe , XIXe et début du XXe siècle est ainsi conservé dans l’ouvrage.

Le maintien d’un mot dans le dictionnaire est décidé par les Académiciens eux-mêmes, après proposition du service du dictionnaire. Généralement, les mots sortis sont ceux considérés comme déjà vieillis dans l’édition précédente, voire celle d’avant.

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