Loin d’être un phénomène récent, l’influence du langage argotique issu des banlieues sur la langue française s’observe depuis plusieurs décennies. Des rappeurs d’aujourd’hui aux chanteurs d’hier, ce sont principalement les artistes qui contribuent à répandre l’argot et le verlan des quartiers populaires.

Du langage populaire au milieu culturel

Comme son nom l’indique, le langage des banlieues naît à la périphérie des grandes villes, dans les quartiers populaires. Puis il se diffuse dans toutes les directions. Notamment par l’entremise des artistes issus de ces localités. Certains mots et de nouvelles expressions entrent ainsi peu à peu dans le langage courant et terminent parfois leur course dans le dictionnaire. À l’image du terme péjoratif “keuf”, désignant un policier. Né dans les banlieues à la fin des années 70 et popularisé en 1995 par le film La Haine de Mathieu Kassovitz, il figure désormais dans Le Robert comme dans le Larousse.

Depuis plus de deux décennies, le langage des banlieues se banalise principalement par le rap et le R&B. Encore nouveaux au début des années 90, ces genres musicaux font aujourd’hui partie intégrante de la culture populaire. Dernièrement, le député LaREM Rémy Rebeyrotte a loué la capacité de la chanteuse Aya Nakamura à “réinventer un certain nombre d’expressions françaises”. Toutefois, elle n’est pas seule à influencer la langue française. En effet, de nombreux rappeurs ont grandement contribué à populariser certains termes du langage des banlieues.

Citons notamment Rohff. Le rappeur franco-comorien originaire de Vitry-sur-Seine a permis à l’expression “En mode” de passer dans le langage courant. On lui attribue également à tort d’avoir popularisé le terme “zoulette”. En effet, on entendait déjà ce mot, désignant une jeune femme issue de la banlieue, sur plusieurs titres de l’abum culte Première Consultation de Doc Gynéco, sorti en 1996. De même, des artistes comme Booba et PNL ont permis à des locutions comme “OKLM” (au calme) ou “s’enjailler” (s’éclater) de se répandre rapidement.

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Verlan et argot : une vieille histoire

Bien qu’on en trouve des traces dès le 14e siècle, dans les années 50, les banlieues françaises se mettent à parler plus couramment le verlan en réaction à la nouvelle vague d’immigration issue du Maghreb, et notamment d’Algérie. L’idée est de compliquer au maximum le langage pour que les immigrés ne puissent que difficilement l’acquérir. Progressivement, cette notion d’exclusion linguistique se perd. Néanmoins, le verlan reste attaché à la banlieue et l’on connaît, encore aujourd’hui, certains termes tels que “ricain” pour “Américain”.

Le verlan se répand ensuite plus largement au cours des années 1970 et 1980, toujours avec le concours de la culture populaire. Renaud chante ainsi Laisse béton en 1978 et Claude Zidi réalise Les Ripoux en 1984. La banlieue influence donc la langue française depuis bien plus longtemps que l’on ne se l’imagine… Toutefois, certaines expressions et termes argotiques restent ancrés dans leur époque et tombent parfois en désuétude avec le poids des années.

Grand pourvoyeur d’expressions des banlieues, Renaud a, par exemple, popularisé l’imagé “épais comme un sandwich SNCF”, dans son titre Marche à l’ombre en 1980. À l’époque, la compagnie nationale de trains vendait, en effet, des sandwichs très peu garnis à un coût exorbitant. D’où l’expression, employée pour désigner un individu d’apparence frêle. Or, avec le temps, si les tarifs à bord des voitures-restaurants sont restés prohibitifs, les mets proposés par la SNCF sont désormais davantage variés et ont fait oublier ces fameux sandwichs. Cette locution s’est donc peu à peu perdue.

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Des dictionnaires urbains

Depuis plusieurs années, nombreux sont les auteurs à s’intéresser à cette langue des banlieues, qui se répand à une plus grande vitesse avec l’avènement des réseaux sociaux. Ainsi donc, on a vu apparaître dans les rayons des librairies un nombre croissant de dictionnaires urbains. Parmi ceux-ci, Le Lexik des Cités, créé par l’association Permis de vivre la ville en 2007, Tout l’argot des banlieues d’Abdelkarim Tengour en 2013 ou, plus récemment, Les mots du bitume d’Aurore Vincenti en 2017.

Sur Internet aussi, les initiatives de ce genre se multiplient. L’Urbandico, par exemple, se veut être le pendant français de l’Urban Dictionnary américain. Citons également Le Dictionnaire de la zone, qui donna naissance à l’ouvrage Tout l’argot des banlieues précédemment évoqué. Toutefois, simple et efficace, le Dico 2 rue reste le dictionnaire urbain en ligne le plus populaire. Vous n’avez donc plus aucune excuse pour ne rien comprendre au dernier tube hip-hop à la mode !

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