La langue des signes est-elle universelle ? Non, contrairement à ce que beaucoup peuvent penser. De la même façon qu’il n’existe pas une langue parlée unique dans le monde entier, plusieurs langues des signes se sont développées et ont évolué selon les pays. À l’instar des langues parlées, les langues des signes peuvent même varier d’une région à l’autre au sein d’un même État. Focus sur les richesses du langage des signes.
Pourquoi la langue des signes n’est-elle pas universelle ?
La langue des signes française en est la preuve, au même titre que la langue des signes anglaise ou la langue des signes américaine : il existe plusieurs langues des signes. Il suffit de s’intéresser aux différentes caractéristiques de ce langage pour comprendre qu’il ne peut pas être universel.
La langue des signes, une langue à part entière
La langue des signes fait l’objet de nombreuses idées reçues, comme le fait qu’elle soit une adaptation littérale d’une langue parlée. Or ce n’est pas le cas, elle n’est pas qu’une simple « adaptation » ou « traduction » d’une langue parlée par des gestes. La langue des signes est une langue à part entière. Elle possède sa propre grammaire, sa propre syntaxe et sa propre logique.
Pour preuve, si le français parlé et écrit se fonde, dans la forme la plus simple qui soit, sur une structure sujet / verbe / complément, la langue des signes française (LSF) se structure davantage sur une base temps / lieu / sujet / action.
Des langues naturelles
Les langues des signes sont des langues naturelles, c’est-à-dire qu’elles se sont construites au fil du temps. Il en est de même pour le français, qui est en perpétuelle évolution avec les transformations du langage, les néologismes, les emprunts à d’autres langues, etc. Les langues des signes ne sont donc pas des langues construites ou élaborées volontairement par l’Homme, comme c’est le cas du morse ou du code informatique.
Le lexique de la LSF
La LSF est dotée d’un lexique que l’on peut séparer en quatre sortes de signes.
● Les signes iconiques qui expriment un mot de manière mimétique.
● L’alphabet dactylologique : chaque lettre de l’alphabet français possède sa retranscription signée en LSF.
● Les signes inspirés du français : des gestes utilisés pour exprimer un mot ne le miment pas forcément, mais intègrent la dactylologie de la première lettre du mot.
● Les signes inventés : on crée un symbole pour désigner une idée, un concept ou une personne en se basant sur une caractéristique très saillante.
Au regard de ces quatre sortes de signes qui composent le lexique de la LSF, il semble évident que la langue des signes n’est pas universelle car c’est impossible : toutes les langues n’utilisent pas le même alphabet ! L’usage commun de l’alphabet dactylologique est donc inconcevable, au même titre que les signes inspirés du français.
Les différences culturelles rendent également l’usage d’une langue des signes universelle impossible. En effet, la culture (cinéma, musique, politique, littérature, etc.), les habitudes et les comportements sociaux varient si grandement d’un pays à l’autre que les signes iconiques, les signes inventés et les signes inspirés du français ne pourront pas fonctionner avec des locuteurs d’autres pays, ou plutôt d’autres cultures.
La tentative de créer une langue des signes universelle
Au même titre que l’Esperanto a été créé pour remplacer l’anglais comme langue parlée universelle, une langue des signes internationale a été mise au point : le Gestuno. Le Gestuno a été créé par la Fédération mondiale des sourds (WFD) dans les années 1970. Un certain nombre de signes ont été adoptés pour essayer de créer un système facilitant la communication à l’international. La liste des signes n’a pas été totalement acceptée, mais l’idée d’un système de signes internationaux a continué à se développer. Toutefois, comme pour l’Esperanto, le Gestuno n’a connu qu’un succès relatif.
La lente reconnaissance des langues des signes
De nos jours, une personne naissant sourde ou avec un trouble de l’audition va apprendre la langue des signes de son pays dès sa naissance : la langue des signes française, la langue des signes anglaise, espagnole, italienne, etc. Elle va également apprendre la langue parlée du pays dans lequel elle vit pour être en mesure de lire, écrire et communiquer avec les autres habitants.
Beaucoup de pays reconnaissent légalement la langue des signes utilisée sur leur territoire. En France, l’amendement Fabius de 1991 reconnaissait le droit de choisir une communication bilingue alliant langue des signes et français dans l’éducation des enfants atteints de surdité.
En 1998, le rapport Gillot soulignait l’illettrisme des personnes sourdes en pointant du doigt ce chiffre : 1 % seulement des enfants sourds avaient accès à des structures bilingues. En 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances reconnaissait la langue des signes française comme une langue à part entière.
En 2012, un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale indiquait que 5 % seulement des jeunes sourds avaient accès à un enseignement en langue des signes.
En février 2019, la Fédération nationale des sourds de France (FNSF) demandait la reconnaissance dans la Constitution de la LSF.
En mars 2021, un amendement a été déposé au projet de loi constitutionnelle pour la reconnaissance de la langue des signes comme langue à part entière.
Certains pays, à l’instar de la Nouvelle-Zélande et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sont largement en avance sur la France et ont d’ores et déjà fait de la langue des signes une langue officielle dans leur pays.
Plusieurs centaines de langues des signes
On recense dans le monde 121 langues des signes différentes. Certaines présentent de nombreuses similarités, alors que d’autres sont très éloignées. C’est la raison pour laquelle, lorsque l’on parle du langage utilisé par les sourds et malentendants dans le monde de manière générale, on devrait parler des langues des signes et non de la langue des signes.
Les difficultés d’une langue à l’autre
Même si deux langues parlées peuvent se ressembler – l’anglais américain et le britannique, par exemple – ce n’est pas forcément le cas pour la langue des signes.
Prenons l’exemple d’une personne signant avec la langue des signes américaine (LSA), un pays où la langue officielle parlée est l’anglais. Cette personne va avoir des difficultés à comprendre une personne signant en langue des signes britannique. En effet, bien que l’anglais parlé de ces deux pays soit très proche, les langues des signes pratiquées sont en revanche très différentes.
Autre anecdote : la LSA s’est développée à partir de la langue des signes française. Locuteurs de la LSF et de la LSA auront donc plus de facilités à se comprendre en signant (alors que les langues officielles parlées des deux pays sont différentes !), qu’un locuteur de la LSA et un locuteur de la langue des signes britannique.
La syntaxe peut en effet grandement varier d’une langue des signes à l’autre, de même que la dactylologie. En LSF, la dactylologie est signée à une main, tandis que les deux mains sont requises dans la LSA.
Les similitudes d’une langue à l’autre
Bien que différentes, les diverses langues de signes à travers le monde présentent tout de même de nombreuses similitudes au niveau de la grammaire. En effet, puisqu’il s’agit de langues visuelles, la construction des phrases va être proche. On notera également l’absence de conjugaison dans les langues des signes. En cause : la notion de temps est précisée dans l’espace : le futur est devant soi, le passé est derrière et le présent est au niveau du corps.
Des accents en fonction des régions
Au même titre que les langues parlées, les langues des signes peuvent varier entre les régions d’un même pays. C’est le cas de la LSF, qui présente des variétés linguistiques considérables d’une région de France à une autre. On parle alors d’« accents » régionaux. Erin Wilkinson, linguiste à l’université de Manitoba au Canada, précise que ces accents sont transmis de différentes manières.
● Par l’accent des entendants : une personne entendante, qui a appris la langue des signes comme deuxième langue, ne signe pas exactement de la même façon qu’une personne sourde ou malentendante dont il s’agit de la langue maternelle.
● Par la maîtrise linguistique : les personnes qui ont acquis tardivement la langue des signes ne signent pas de la même manière que celles qui l’ont apprise dès l’enfance.
● Par les variations phonologiques : chacun a sa manière de signer, de sorte que certaines personnes vont placer leurs mains plus haut que d’autres, ou avoir des gestes plus souples ou plus saccadés. Par exemple, les habitants du sud de la France auraient tendance à signer de manière plus « large » que ceux du nord du pays.
● En raison des variations régionales : certains mots ou expressions sont propres à certaines régions.
Ces distinctions rencontrées d’une région à l’autre n’empêchent pas la compréhension entre les personnes. Mais elles peuvent interloquer, de la même façon qu’une personne entendante se rendant dans le nord de la France pour la première fois pourrait être surprise en entendant « on se rappelle et on se dit quoi ». Les particularités de chaque région contribuent à la richesse de la langue française : il en est de même pour la langue des signes.
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