Pourquoi les langues sont un atout sur le marché de l’emploi en France : la preuve par 7 avec cette synthèse d’une vaste étude publiée récemment.

La maîtrise des langues étrangères est capitale pour décrocher un emploi, on sait que nous n’avons pas à vous en convaincre. En revanche, jusqu’à présent, on mesurait mal à quel point cela est capital, et la manière dont les compétences linguistiques sont valorisées sur le marché de l’emploi. Un rapport d’enquêtes passionnant, « Analyse des besoins des employeurs français au regard des compétences en langues vivantes étrangères », basé sur plusieurs enquêtes, analysant de nombreuses offres d’emploi et impliquant plus de 800 entreprises hexagonales, révèle les besoins des entreprises dans le domaine des langues, les attentes des recruteurs, la place des langues dans la formation, etc.
Si certaines conclusions relèvent du bon sens, d’autres sont assez surprenantes ou très riches d’enseignement. Les enquêtes ont été menées par un consortium rassemblantplusieurs organismes et institutions (Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement et de la Recherche ; Céreq-IREDU ; CIEP ; Onisep ; Agence Erasmus + France). Voici les principaux points à retenir.

Les langues : un atout pour le recrutement

En France, 23,7% des jeunes de 15 à 24 ans étaient à la recherche d’un emploi en 2014 (chiffres INSEE). Et pourtant, bon nombre d’employeurs déploraient (et déplorent toujours) une pénurie de candidats correspondant aux profils recherchés. Le rapport souligne aussi que quelques années auparavant, en 2006, une étude britannique, l’étude ELAN, « menée par le Centre national des langues britannique auprès de 2000 entreprises est parvenue pour la première fois à chiffrer le manque à gagner au niveau de l’Union européenne généré par l’insuffisance des compétences linguistiques des personnels : selon cette publication, 11% des entreprises avaient perdu au moins un contrat en raison de cette inadéquation ; le manque à gagner sur une période de 3 ans était évalué à 325 000 € par entreprise en moyenne ».
La France partageant avec La Grande-Bretagne le statut peu enviable de cancre de l’Europe pour l’étude des langues étrangères, il est fort à parier que le manque à gagner des entreprises françaises soit proche de leurs homologues britanniques. Qu’on se place du point de vue de l’entreprise ou du point de vue du salarié, il apparaît évident que la compétence linguistique est « un facteur de compétitivé au niveau macro-économique » et « un élément clé de l’employabilité au niveau des individus ».

La LV2 + n, le facteur discriminant

Le rapport estime à plus de 800 le nombre d’organismes publics ou privés proposant des formations en langues, pour un chiffre d’affaire annuel représentant 370 millions d’euros. En amont, le projet du consortium vise à sensibiliser les élèves et les parents d’élèves à l’importance de la langue pour la question de l’employabilité. Dans cette perspective, le choix de la seconde langue vivante (LV2) est de plus en plus important puisqu’elle permet de différencier les futurs candidats en leur apportant une réelle valeur ajoutée. En effet, 96% des élèves du secondaire étudient l’anglais en première langue vivante. En d’autres termes, la maitrise de l’anglais pour les générations à venir n’est même plus à discuter et va de soi. En revanche, la LV2 et éventuellement la LV3, 4, etc. sont des facteurs discriminants dans la course à l’emploi.

Langues et recrutement : le maillon fort

45 % des entreprises interrogées déclarent que les compétences en langue sont souvent ou toujours un critère de sélection des candidats pendant la phase de recrutement. C’est évidemment vrai de l’anglais, mais « la nécessité de maîtriser deux langues étrangères est citée dans quatre offres d’emploi sur dix pour les annonces avec exigence de langues étrangères ». L’évaluation et la vérification des compétences en langues par l’employeur devient de fait essentielle. D’où l’importance de faire certifier ou évaluer son niveau en le caractérisant aussi précisément que possible. Le Cadre Européen de Compétence de Référence pour les Langues (CECRL) nous paraît le standard idéal pour définir un niveau sans ambiguïtés dans un CV. A noter qu’un tiers des entreprises évaluent les compétences en langues des postulants sur présentation de certificats d’organismes privés, lesquels certifient souvent un niveau CECRL. Une majorité d’entreprises utilisent l’entretien en langue étrangère pour l’évaluation des compétences (67%).

Le polyglotte français, une perle rare

Un tiers des entreprises interrogées « indiquent leurs difficultés à recruter un postulant ayant les compétences linguistiques requises pour le poste visé ». La formation scolaire et universitaire des candidats est montrée du doigt par 60 % des répondants à l’enquête. On pourrait résumer le sentiment général à l’endroit des candidats  par cette lapidaire formule : « trop scolaires ». Le manque de pratique (12 % des répondants) et le manque d’intérêt des candidats (6 %) est également en cause. Ces deux critères cumulés sont cités par 18 % des répondants. De nombreux recruteurs soulignent en revanche l’amélioration du niveau en langues des jeunes générations (25-30 ans) ; le directeur d’une entreprise industrielle de moins de 50 salariés remarque surtout un problème de niveau « pour des profils inférieurs à bac +3 ».

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Quelles langues dans l’entreprise ?

Si tous les secteurs d’activité utilisent les langues étrangères, la mobilisation des compétences linguistiques est surtout le fait des activités spécialisées scientifiques et techniques (83%), du secteur de l’hébergement et de la restauration (68%) et de l’industrie (63%). Les langues utilisées par les entreprises sont plus diverses qu’on ne le croit, même si ces langues appartiennent surtout à la famille indo-européenne. Il est intéressant de noter que l’allemand est davantage utilisé dans les entreprises françaises que l’espagnol.

Qui les utilise et comment ?

Les langues étrangères intéressent toutes les composantes de l’entreprise, tous les métiers et tous les niveaux dans la hiérarchie, même si le plus gros quota de locuteurs est surtout chez les cadres et les dirigeants. La production écrite est légèrement plus faible que la production orale. Les entreprises interrogées soulignent que la maîtrise des langues permet de favoriser le rayonnement international de leurs sociétés (12% de répondants) et assurent une meilleure compréhension des partenaires étrangers (6%). La simple fonction de communication arrive au premier rang des plus-values liées aux compétences linguistiques.

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Les effets sur la carrière

Toute cette partie de l’étude est vraiment remarquable à  plusieurs égards et mérite une lecture complète et attentive. Jamais auparavant on n’avait mis autant en lumière les apports qualitatifs et quantitatifs des langues étrangères à la carrière professionnelle. Comme le résume l’étude, « l’exigence d’une langue augmente avec l’élévation de la qualification de l’emploi proposé, du niveau de diplôme et du nombre d’années d’expérience sur le marché du travail ». Le niveau de langue requis ou souhaité est élevé puisque les offres d’emploi analysées montrent que 37% des offres indiquent un excellent ou un très bon niveau, une bonne maîtrise étant requise pour 56 % des offres.
Si on regarde le haut de l’échelle des CSP, la maîtrise de deux langues étrangères concernent la moitié des annonces pour recruter des ingénieurs et des cadres. A emploi égal, un cadre ou un ingénieur qui parle deux langues touchera 326 € bruts mensuels de plus qu’un collègue n’en maîtrisant qu’une seule. Si on regarde l’ensemble des CSP, la différence de salaire brut mensuel entre un actif parlant une langue étrangère et un actif parlant deux langues étrangères est de 433 € bruts mensuels. Edifiant.

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L’effet net de la langue sur le salaire est désormais démontré. Mieux, le gain salarial liée la pratique de la langue étrangère est plus élevé que celui lié à l’expérience professionnelle et permet de compenser des formations insuffisantes. On peut d’ailleurs énoncer l’axiome suivant : « moins vous êtes qualifié, et plus vos compétences linguistiques vous permettront de progresser ou de gagner en mobilité ».
Les critères les plus importants sur le marché de l’emploi en France peuvent donc être classés comme suit :
1. La formation/les diplômes
2. Les compétences linguistiques
3. L’expérience professionnelle
L’étude révèle aussi que l’exigence de deux langues étrangères multiplie les chances par trois de trouver une offre d’emploi pour un contrat à durée indéterminée (CDI). CQFD.

En conclusion, que vous soyez un ouvrier non qualifié ou un cadre supérieur, la maîtrise d’une langue étrangère a minima vous ouvrira des portes, favorisera votre emploi en CDI, votre mobilité sociale, professionnelle, géographique, vous permettra un gain salarial non négligeable… et on ne parle même pas de tous ceux qui veulent créer leur micro-entreprise et qui sont amenés demain à devenir leur propre patron.

Lire le rapport d’enquêtes : analyse des besoins des employeurs français au regard des compétences en langues vivantes étrangères